Tonino Benacquista & Nicolas Barral, Dieu n’a pas réponse à tout (Mais il sait déléguer) – t.03

Un nou­vel opus encore plus réjouissant 

Dans son immense bureau céleste, Dieu veille sur ses créa­tures humaines. C’est son bou­lot et il y consacre tout son temps. Cepen­dant, quand il remarque une situa­tion anor­male, un être en souf­france, un com­por­te­ment inap­pro­prié, il ne sait pas tou­jours com­ment résoudre le pro­blème. En bon mana­ger, il délègue. Il fait appel à des indi­vi­dus qui gra­vitent dans les parages.
Tonino Benac­quista raconte com­ment sont inter­ve­nues les per­sonnes adé­quates dans quatre cas dif­fi­ciles.
Chaque his­toire se déroule selon la même trame avec la pré­sen­ta­tion d’une per­sonne, le choix de l’habitant du para­dis chargé de lui venir en aide et l’exécution de la mis­sion par celui qui a été retenu.

Le pre­mier cas concerne un indi­vidu, un conqué­rant “brillant, impi­toyable, mil­liar­daire, intré­pide, arro­gant” à qui il serait bon de don­ner des leçons de modes­tie. Dans les listes qu’il fait défi­ler sur l’écran piloté par son ordi­na­teur, Dieu retient Ghandi Mohan­das.
Un autre indi­vidu est si assuré de son intel­li­gence que son unique souci consiste à remar­quer la bêtise des autres. Pour le gué­rir de sa dépen­dance, Dieu lui dépêche un spé­cia­liste en matière de connais­sance et de fré­quen­ta­tion des cons : Michel Audiard, placé par ordre alpha­bé­tique entre Aubrac Lucie et Aymé Mar­cel.
C’est une petite fille à la voix remar­quable qui retient l’attention du Créa­teur car elle est, par ailleurs, d’une modes­tie mala­dive. Lorsqu’on la regarde, elle reste sans voix. Sur ses listes, entre Cabu jean et Caruso Enrico, se place Cal­las Maria qu’il envoie au secours de cette talen­tueuse chan­teuse.
Un homme a perdu confiance en l’espèce humaine. Il énu­mère tous les fléaux dont elle est res­pon­sable. Ému, Dieu décide de l’aider à retrou­ver espoir en l’humanité et demande à Vic­tor Hugo le soin de le faire.

On pour­rait craindre un côté répé­ti­tif dans la nar­ra­tion. Mais le scé­na­riste évite habi­le­ment le piège, don­nant un vrai rythme. Le ton est volon­tai­re­ment humo­ris­tique, drôle, décalé. Par exemple, on retrouve des célèbres répliques que Michel Audiard a placé dans les dia­logues sur les cons comme : “Si la conne­rie se mesu­rait, tu ser­vi­rais de mètre éta­lon.” ou “Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les recon­naît.
Les Misé­rables de Vic­tor Hugo per­mettent de don­ner une belle pro­fon­deur au récit. On ne peut s’empêcher de retrou­ver, dans les indi­vi­dus secou­rus, des per­sonnes publiques.

Les vignettes où appa­raissent l’écran avec la liste des noms sont magni­fiques tant cette suite est diver­tis­sante, cocasse pour sa diver­sité et l’aspect inat­tendu de cer­tains patro­nymes. Bravo pour avoir cité Lucie Aubrac !
L’humour n’est-il, en défi­ni­tive,  pas le meilleur moyen de por­ter un regard cri­tique ? Le scé­na­riste ne s’en prive pas, dénon­çant nombre de dys­fonc­tion­ne­ments tant humains que socié­taux. La séquence où Vic­tor Hugo cherche quelqu’un pour inter­ve­nir est plus que parlante.

Le des­sin de Nico­las Bar­ral, à la fois réa­liste et cari­ca­tu­ral, est tout à fait en phase avec l’esprit du scé­na­rio. Il pro­pose des per­son­nages très réus­sis et met en images de belle manière les pro­ta­go­nistes his­to­riques que ce soit Maria Cal­las, Gandhi… Les décors res­tent rela­ti­ve­ment dépouillés pour mettre en valeur les inter­ve­nants.
La cou­leur, en teintes à domi­nante neutre, est l’œuvre de Marie Bar­ral. Elle donne une dimen­sion nou­velle aux vignettes sans faire perdre la puis­sance du des­sin, l’intérêt des scènes et des dialogues.

Ce troi­sième tome se découvre avec un grand plai­sir pour l’originalité de son pro­pos et pour l’humour que s’en dégage à la fois par les his­toires et par le graphisme.

lire un extrait

serge per­raud

Tonino Benac­quista (scé­na­rio), Nico­las Bar­ral (des­sin) & Marie Bar­ral (cou­leur), Dieu n’a pas réponse à tout (Mais il sait délé­guer) – t.03, Dar­gaud, sep­tembre 2021, 64 p. – 16,00 €.

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