Richard Meier, peu importe l’aplomb

Vers ce qui reste

A force de pous­sées nébu­leuses, poètes et artistes croient atteindre un ciel rêvé. Ils oublient la butée où tout finit par arri­ver.
Néan­moins, tout en refu­sant des aspects pure­ment cli­niques, Meier s’élève en faux face à ce qu’oublient les primesautiers.

Les regrou­pe­ments de signes ver­baux ou gra­phiques ne se veulent donc pas symp­tômes mais les rap­pels chez les uns et les autres — morts ou vivants — de leur briè­veté et de cer­tains de leurs frag­ments, au moment où “la valise est déjà prête” non pour un voyage tou­ris­tique mais vers un lieu qui ne laisse dans le nôtre qu’un banc vide.
Peu importe l’aplomb devient la plus pro­fonde prise de conscience du temps. Sans roman­tisme ou for­fan­te­rie mais où les des­sins sup­pléent les mots pour indi­quer ce qui reste : un croire voire qui se trans­forme en un entre­voir d’avant la fugue — si nous pou­vons l’appeler ainsi.

C’est d’ailleurs ce qui donne aux oeuvres de Meier leur pro­fon­deur esthé­tique et exis­ten­tielle. Il n’y a jamais rien de trop. L’artiste revient à des des­sins qui rejoignent ceux de la prime enfance.
Echap­pant à la maî­trise, il renoue avec les racines de l’être par celles de l’amour qui tra­verse avec ou sans aplomb (exit les pos­tures) un livre qu’une Char­lotte célèbre aurait pu corder…

Meier y des­sine un pois­son. Il danse parce que ses lignes fré­tillent avant que deux visi­teurs du soir tra­versent une page. Sur une autre se retrouve un thème cher à l’auteur : le gant.
Mais ici, il res­semble au mar­teau sans tête dont le manche est perdu : il n’a plus de main.

Néan­moins, le long du temps du livre chaque moment veut la lumière. La seule opa­cité est celle de l’effacement pro­gres­sif là où tou­te­fois l’amour garde un mot à dire tan­dis que la créa­teur — retrou­vant la main — la laisse diva­guer. La page rejoint le parié­tal donc l’origine du monde. L’art lui accorde des images en un dia­logue ou plu­tôt un soli­loque — car l’un parle, l’autre écoute.
L’entretien se vou­drait infini comme le sou­hai­tait Blan­chot. Meier, pour le signi­fier, se glisse dans quelques mots de Char­lotte Cor­day et sa géné­sie de la passion.

Ici, elle ne tue pas. Pas plus qu’un cer­tain désir.
Son injonc­tion emporte. Encore. Un peu.

jean-paul gavard-perret

Richard Meier, peu importe l’aplomb, Voix Edi­tions — Richard Meier, Elne, 2021.

2 Comments

Filed under Chapeau bas, Inclassables, Poésie

2 Responses to Richard Meier, peu importe l’aplomb

  1. Richard Meier

    Ce croire voir s’aiguise tous les jours repris par lec­tures, inter­ro­ga­tions et amour des mots. Jean Paul, tu es un unique lec­teur — unique parce que je pense d’abord à toi. Merci… Char­lotte … “ne tue pas, la lettre et sa géné­sie de la pas­sion” Merci JPGP osé nomi­na­ti­ve­ment de ma part

  2. Hélène Peytavi

    Merci à Richard pour son magni­fique tra­vail, pas besoin de fil à plomb pour être d’équerre, extra. L’espace de ses livres est immense et tou­jours réin­venté. Merci pour vos mots qui donnent envie de les prendre en main.
    Ami­tié à tous deux.
    Hélène

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