Avec Le journal de Claire Cassidy, qui a obtenu le prix Edgar Allan Poe du meilleur roman 2020, la romancière prenait un cadre littéraire qu’elle conjuguait avec l’art de l’écriture et de l’enseignement.
Elle revient avec un thème proche mettant en scène le milieu du roman policier.
Peggy observe, depuis la fenêtre de sa chambre dans la résidence pour seniors de Shoreham-by-Sea, le comportement suspect de deux hommes. Elle note tout ce qu’elle voit.
C’est Natalka, sa soignante, qui découvre en fin de journée Mme Smith morte dans son fauteuil. Pendant que sa responsable, prévenue par ses soins, s’occupe des formalités, elle regarde la vieille dame, le roman policier ouvert et, dépassant de sous des mots croisés, une carte de visite portant la mention : Mme M. Smith, Consultante ès meurtres.
La lieutenant Harbinder Kaur travaille tard. Elle reçoit Natalka qui a nettoyé l’appartement parce que le fils de la défunte veut vendre rapidement. En voulant mettre les nombreux livres en carton, elle remarque qu’ils sont tous dédicacés à Mme Smith et qu’elle est très souvent citée dans les remerciements. Elle a un doute et pense que cette mort n’est pas naturelle.
Elle convainc Edwin, un résident ami de la morte, et Benedict, un ancien moine qui tient un café en face de la résidence, d’enquêter. Elle a découvert dans le livre que lisait Peggy une simple carte postale portant les mots On vient vous chercher ! Elle entraîne Benedict dans l’appartement en cours de déménagement quand une clé tourne dans la serrure et qu’une silhouette masquée entre, pointant sur eux un révolver…
Si l’intrigue est subtile et très agréable à suivre pour ses habiles renversements de situation, ses péripéties amenées de belle manière, elle laisse une grande place à une superbe galerie de personnages. Ceux-ci sont finement élaborés, les caractères sont fouillés, construits pour une véritable dimension humaine. Edwin, âgé de quatre-vingts ans, est un ancien journaliste. Benedict, après avoir voulu être prêtre puis moine, finit par tenir un petit café en face de la maison de retraite. Mais deux héroïnes enchantent l’histoire. D’abord Natalka, une Ukrainienne venue en Angleterre il y a cinq ans pour étudier à l’université et Harbinder Kaur, une policière atypique d’origine sikh, déjà rencontrée dans Le journal de Claire Cassidy.
La romancière plonge son lecteur dans l’univers des auteurs de romans policiers, lui fait suivre le processus créatif, le fait participer à des salons littéraires, découvrir une étrange sous-traitance. Si le cadre est très actuel, mettant en avant des situations modernes, le cheminement des enquêteurs s’appuie sur des incontournables développés par les Reines du Polar du début du XXe siècle. La recherche des indices, par exemple, se fait essentiellement par le raisonnement.
Entre fausses pistes et indices littéraires, Elly Griffiths anime un quatuor de protagonistes très attachants pour une intrigue séduisante.
serge perraud
Elly Griffiths, Mortelle dédicace (The Postscript Murders), traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Vincent Guilluy, Hugo, coll. “Thriller”, mai 2021, 416 p. – 19,95 €.