Kliniken (Lars Norén / Jean-Louis Martinelli)

Tout un écha­fau­dage pour enfin ne rien dire

La scène, atten­due, s’ouvre sur des malades d’emblée livrés à leur iso­le­ment com­mu­ni­ca­tif, dans le fumoir d’un hôpi­tal psy­chia­trique. Tout se passe de front : c’est là qu’on est livré à la com­mu­ni­ca­tion, là dans cette salle com­mune où même les chiottes sont ouvertes au regard des spec­ta­teurs.
Tout est censé être dit ; ce tout qui n’est pas grand-chose, des bribes de vie, des élé­ments de patho­lo­gie, des bouts de per­sonne. Le tableau ne se modi­fiera pas de la durée du spec­tacle. La pièce est dans le tableau. Le tableau est dans le titre.
Un trai­te­ment qui paraît réa­liste ; des esquilles de mala­die men­tale pour public curieux, un brin voyeur ? Un pro­pos lim­pide. Une figu­ra­tion trans­pa­rente, une repré­sen­ta­tion en miroir, où l’on n’a rien à trou­ver que soi-même. Voire.

On assiste avant tout à d’excellentes per­for­mances d’acteurs. Fidèle à son inten­tion de construire un théâtre de rebuts, de déchéance, Lars Norén nous livre une oeuvre déchi­rée, décou­pant avec aci­dité des lam­beaux de sens. Bien ser­vie par la mise en scène sobre effi­cace, de Jean-Louis Mar­ti­nelli, la pièce conjoint des par­ti­tions sans rap­port, pro­vo­quant sou­vent le rire par ses répliques cyniques, les contrastes nés de la ren­contre cocasse d’attitudes aux logiques hété­ro­gènes.
Les per­son­nages sont assez diver­si­fiés pour que cha­cun puisse y recon­naître des traits de l’un ou l’autre de ses proches, mieux, de soi-même. Pour­tant, après l’entracte le spec­tacle paraît s’animer d’un cer­tain souffle ; l’action par­ti­cipe de la nar­ra­tion. Les per­son­nages paraissent entrer pro­gres­si­ve­ment en rela­tion ; des évé­ne­ments peuvent avoir lieu. On hésite alors entre la réflexion qui résul­tait de la mise à plat propre à la pre­mière par­tie et l’émotion qui résulte de la mise à dis­tance pro­vo­quée par l’ ani­ma­tion de la seconde.

Des scènes, des chan­sons jouées inter­disent toute iden­ti­fi­ca­tion : une scé­no­gra­phie tra­vaillée, tout un écha­fau­dage pour enfin ne rien dire.
Approche de la viduité : échos des spasmes qui nous habitent après les sou­bre­sauts du désastre.

chris­tophe giolito

 

Kli­ni­ken
de Lars Norén — Texte fran­çais de Camilla Bou­chet, Jean-Louis Mar­ti­nelli et Arnau Roig-Mora

Mise en scène : Jean-Louis Martinelli

Avec : Charles Béni­chou, Bri­gitte Bou­cher, Éric Caruso, Séve­rine Cha­vrier, Emma­nuel Faven­tines, Zaka­rya Gou­ram, Vincent Macaigne, Mrie Mathe­ron, Syl­vie Mil­haud, Sabrina Kou­roughli, Sophie Rodrigues, Abbès Zahmani

NB : Le texte Kli­ni­ken est édité aux édi­tions de L’Arche, édi­teur et agent théâ­tral du texte représenté.

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