Est schizophrène, Cultive une grande tristesse à la pensée de se la faire comme de la quitter, Craint le beau temps et s’assied sans scrupules sur les marches de l’hiver, Ne partage pas son monstrueux préjugé de la chair, La prend pour une sirène où noyer son poisson, Jaunit à l’horizon des jonquilles, Ignore certains ressorts du plaisir, Si bien que ma mère pour assouvir sa soif a besoin d’une poire en caoutchouc, Mais lui alourdit le silence, Dispose de la faculté aiguë de rapprocher les extrêmes, Se sent écarté en faveur des graminées par celle qu’il nomme sa giroflée, Aime Queen et David Bowie, N’a jamais eu le temps d’être vraiment neuf, Rase les murs jusqu’à la pierre, Ne résiste pas au rouge qui tache, Se refait avec le sourire son épouse officielle avec laquelle soi-disant il se désespère, Se prend les pieds dans les cordes de son lyrisme à deux balles, Trouve périlleux de vieillir, Jure d’être un épigone inclassable, Ne cesse de proclamer des discours sur un avenir improbable, Jure ses grands dieux, Passe au sabre clair les possibilités de désir, Et ma mère au crible, Lui bouffe l’ananas en jetant des anathèmes, Attend le profond ennui auquel il aspire, Rassemble toutes les cuites pour s’élever concrètement dans l’inexprimable, Tel un coucou se réjouit de la bêtise de celle qui lui ouvre son lit et ses cuisses, Prend les cliquetis du pieu pour celui d’un claque, Fait d’elle une voyante myope, Tire les marrons du feu, Avance lourdement comme un convoi armé, Entend les ordres terrifiants de la nature humaine, S’initie à un rite que chuchote sa voix veule et indéterminable, Se prend pour un éthéré déterré aux ressources inépuisables, Mais son plaisir des sens reste pour moi bidon, Fait reposer son utopie sur un digestif ou des parties charnues, Mère le dit tendre et bestial, Prend sa vase pour la première étape de l’extase, Est une boule chantante folle de sa graisse, Ignore le lieu de ses voluptés à cause de son obésité, Explore son reflet dans un jardin japonais, Défie les lois de la gaieté, Stimule l’argile et bleuit l’épaule des cardamines, Ressemble à un môme aster, Se protège du destin par son visage de poussin, A le goût des anciens, Ressemble à un vieux puits soudainement mis à jour, S’exprime avec une altitude où la brume est intense, Rosit comme un porc au moment du rut, Connaît la seule rébellion des pédants, Appelle ma mère sa petite abeille — ce qui ne manque pas de piquant, Écoute sa chair lorsque le soir descend, Se prend dans l’engrenage de ses prétentions, Fermente dans son infidélité notoire, Confond le trivial et le résidu, Eprouve les velléités du couchant, Épuise les provisions de ma mère avec panache (si bien qu’il ne lui reste qu’un peu de safran dans les yeux), Reste une sorte d’apothéose visqueuse et un apophtegme mou, Se séduit lui-même, Ses lapsus ramènent tout à l’humidité, Devrait partir, N’attend plus rien de son épouse (du moins à ce qu’il dit), Sa nostalgie est l’enluminure d’une existence qu’il n’a jamais vécue, Contemple l’automne avec précision, Résiste à la poussée des fougères, Se complaint à décrire ce qui meurt, Fait friser les images et Passe sans égards dans les bras de sa protestante.
Quant à sa littérature aux monades austères, elle reste l’inverse de l’héroïsme mais elle m’aura permis de rester seul avec mes cauchemars et leurs monstres. Elle me force à abolir toute communauté et alliance. Que lui demander de plus ?
Jean-Paul Gavard-Perret