Victoria Hislop a fait paraître en 2005, à Londres, L’Île des oubliés, traduit en 2012 pour les éditions Les Escales. Ce livre racontait, entre autres, l’histoire d’Eleni Petrakis contrainte d’abandonner son époux et ses deux filles pour rejoindre l’île de Spinalonga. C’était le site, en Crète, où l’État grec isolait les lépreux entre 1903 et 1957. Maria, la cadette, touchée à son tour par la maladie doit aller sur l’île, laissant son père Giorgos et Anna sa sœur aînée.
Victoria Hislop, en 2020, propose une suite One August Night que Les Escales publient ce mois-ci sous le titre Cette nuit-là.
Le présent roman débute à Elouna, dans le grand domaine de la famille Vandoulakis. Anna a épousé Andreas, escamotant tant que faire se peut le fait que sa sœur soit à Spinalonga. Anna vit très mal sa grossesse et perd sa beauté. Elle reste à l’écart de la fête organisée par son mari pour célébrer l’annonce de son futur enfant. De loin, elle regarde les participants et s’attarde très longuement sur Manolis. Celui-ci jette de nombreux coups d’œil vers l’endroit où elle est censée se trouver.
C’est lors de la cérémonie du baptême, quelques semaines après la naissance de Sofia, que les liens entre Anna et Manolis se renouent. Le retour de Manolis a aidé Anna à retrouver sa beauté. Ils redeviennent amants. La présence de Manolis dans les lieux est normale, n’est-il pas le cousin d’Andreas et le nonos, le parrain, de Sofia ?
C’est Kyria qui instille involontairement un poison quand, en bavardant tout en faisant le ménage, elle s’émerveille que les médecins soient tout près de guérir la lèpre. Anna s’inquiète. Si Maria revient, ne va-t-elle pas renouer avec Manolis comme avant son départ pour l’île ? La peur de le perdre s’installe.
Manolis, de son côté, rencontre deux hommes revenus de l’Île aux lépreux après guérison. Il s’inquiète de l’état dans lequel il va retrouver Maria quand il voit les séquelles laissées par la maladie sur ces hommes. C’est le 25 août 1957 que reviennent tous ceux qui étaient enfermés sur l’île. Une grande fête est organisée à Plaka et… c’est le drame aux effets dévastateurs !
Dans Cette nuit-là, l’auteure met en scène des personnages secondaires de L’Île aux oubliés tout en faisant un lien très fort avec ceux qui occupaient la première place dans le précédent roman. Avec la fermeture du centre de rétention des malades de la peste, elle fait éclater des drames familiaux, des conflits au sein des membres d’une parentèle, entre tromperies, mensonges, secrets…
Elle développe ainsi une saga familiale et dramatique pointant le projecteur sur les personnages, sur leurs sentiments, leurs émotions, leurs états d’âme, leurs doutes, les regrets, les remords qui les habitent en laissant un contexte historique et social en retrait.
Mais, elle fait ressentir l’atmosphère de la Crète, de ce territoire aux champs d’oliviers à perte de vue, aux vignes inondées de soleil. Elle place dans ses dialogues des expressions qui donnent une couleur locale, qui envoûtent par la sonorité de celles-ci, et rappelle ce climat si particulier qu’on trouve dans les îles grecques.
Le rythme du récit est soutenu, ne laissant pas de place aux temps morts. Le livre est complété par une postface de la romancière où celle-ci explicite en détails les circonstances qui l’ont amené à écrire L’Île des oubliés, ses travaux d’écriture pour une cohérence dans la narration en fonction de ses recherches historiques et sociales. Elle complète par une brève notice sur la peste, cette maladie qui a ravagé tant de populations.
Avec ce nouveau volet, on retrouve avec un grand plaisir des personnages qui ont tant ému, il y a dix ans, dans une remarquable suite.
serge perraud
Victoria Hislop, Cette nuit-là (One August Night), traduit de l’anglais par Alice Delarbre, Éditions Les Escales, mai 2021, 304 p. – 20,00 €.