La cantatrice chauve

Un moment édi­fiant, qui sol­li­cite la réflexion avec des moyens limités

Le théâtre de la Huchette, c’est une véri­table ins­ti­tu­tion pari­sienne : niché dans une rue qui a perdu son âme, îlot de culture dans un flot de man­geaille. Depuis 1957, La can­ta­trice chauve est repré­sen­tée sans inter­rup­tion. Cette « anti­pièce », qui avait échoué à trou­ver son public en 1950, s’est impo­sée sur la durée. Alors on y vient les soirs de pluie, de soleil, d’été ou d’hiver, de ten­sion ou d’ennui. Mais on y vient. Non­obs­tant le prix des billets, les spé­cia­listes, les tou­ristes, les ini­tiés affluent. C’est comme une visite rituelle, qu’il faut accom­plir une fois dans sa vie.

D’abord ano­dins, cocasses et foi­son­nants, les dia­logues dépècent le lan­gage en en fra­gi­li­sant le sens. Les comé­diens sur­dé­ter­minent la pos­ture des per­son­nages, à l’image de la ser­vante, toute de tru­cu­lence conte­nue. Ils donnent une cer­taine dyna­mique au texte, il faut le dire, un peu abs­cons de La can­ta­trice chauve. Il sus­cite le curieux sen­ti­ment que ces séquences de répliques sont accou­plées pour meu­bler : elles occupent incon­tes­ta­ble­ment l’espace, mais sans le rem­plir, comme pour l’accuser. Les accé­lé­ra­tions du débit de parole tra­duisent le bou­le­ver­se­ment du sens.Eugène Ionesco inter­roge avec effi­ca­cité le rap­port entre conven­tions et identité.

La leçon com­mence par des poli­tesses for­melles exa­gé­rées par le texte et les acteurs. La ten­sion appa­raît ini­tia­le­ment en contraste avec la sim­pli­cité des ques­tions abor­dées. Puis vient la phase de remise en cause de l’élève, accu­sée par son pro­fes­seur, puis par elle-même. Suivent les pre­miers signes d’errements, aga­ce­ment puis entê­te­ment. Le dis­cours pro­fes­so­ral se fait coer­ci­tif, face à la même réplique, deve­nant com­pul­sive : « j’ai mal aux dents ».
Ainsi le dia­logue entre le maître et l’élève devient un affron­te­ment ver­bal. La fin dra­ma­tique est désa­mor­cée par l’ultime scène comique. Un moment édi­fiant, qui sol­li­cite la réflexion avec des moyens limités.

chris­tophe giolito

La Can­ta­trice Chauve
mise en scène Nico­las Bataille
La Leçon
mise en scène Mar­cel Cuve­lier
d’Eugène Ionesco

La can­ta­trice chauve, avec, en alter­nance : Lisa Livane, Fran­çoise Pink­was­ser, Nell Rey­mond, Domi­nique Scheer, Sophie Fon­taine, Valé­rie Jean­net, Uta Tae­ger, Fré­dé­rique Vil­ledent, Yvette Cal­das, Denis Daniel, Roger Defos­sez, Jacques Legre, Serge Noël, Gérard Thi­rion, Laurent Suire, Didier Bailly, Guy Moign, Chris­tian Ter­mis, Gré­goire Bour­bier, Didier Beau­det, Jean-Pierre Ducos, Jacques Legre, Claude Leblond, Thierry Leclerc, Marc Beau­din, Hédi Tar­kani, Marie Cuve­lier, Cathe­rine Day, Nicole Huc, Jac­que­line Staup, José­phine Fres­son.
La leçon, avec Gérard Bayle, Jean-Michel Bonn­narme, Alain Ganas, Ber­nard Jous­set, Jean-Marie Sirgue, Emi­lie Che­vrillon, Sté­pha­nie Cho­dat, Valé­rie Cho­quard, Hélène Har­douin, Marie Cuve­lier, Cathe­rine Day, Nicole Huc, Jac­que­line Staup, José­phine Fresson.

 

Décors : Jacques Noël, régie : Ider Ame­kh­choun.
Au Théâtre de la Huchette, 23, rue de la Huchette, 75005 Paris
Télé­phone : 01.43.26.38.99 (réser­va­tion par télé­phone et sur place de 17h à 21h)
La can­ta­trice chauve a été créée en 1957 et reprise depuis sans inter­rup­tion avec La leçon.
Le texte des pièces est publié chez Gal­li­mard dans la col­lec­tion “Folio” depuis 1972.

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