Melissa Lenhardt, Les femmes d’Heresy Ranch

Quels magni­fiques por­traits de femmes !

Avec ce livre, l’auteure veut repla­cer le rôle des femmes dans la conquête de l’Ouest, un rôle que les hommes ont dis­si­mulé, voire étouffé pour s’en attri­buer la gloire.
Elle retrace le par­cours des dif­fé­rentes com­po­santes du gang Par­ker, un groupe essen­tiel­le­ment com­posé de femmes, qui a œuvré de 1873 à 1877. L’Histoire leur recon­naît six hold-up…

Tout com­mence lorsque Tho­mas, l’époux de Mar­ga­ret Par­ker, décède de phti­sie en jan­vier 1872. Tra­vaillant avec son époux, ayant une belle capa­cité à dres­ser les che­vaux, Mar­ga­ret, dite Garet, conti­nue à tenir l’exploitation. Elle est aidée par des femmes qu’elle a recueillies lorsqu’elles étaient en dan­ger comme Hat­tie, une ancienne esclave noire, deux sœurs, Joan et Stella…
Les affaires marchent bien jusqu’à ce qu’un voi­sin, Louis Connolly, un pseudo colo­nel, la demande en mariage. Elle refuse, trou­vant beau­coup de plai­sir à sa liberté. Il fait tout alors  pour la rui­ner et pour s’approprier le domaine à bas prix.

Ces femmes n’ont d’autre solu­tion que par­tir. Garet veut se ven­ger en dépouillant la famille de celui qui l’a dépos­sé­dée. Elles s’installent à Tim­ber­line, un site peu faci­le­ment acces­sible, à la fron­tière de trois États et, de là, mènent des raids contre les entre­prises Connelly. Cepen­dant, Garet regrette que per­sonne ne relate ses actions en tant que femme.
C’est lors de l’attaque d’une dili­gence qu’elle ren­contre Grace Trum­bull. Celle-ci se dit capable de racon­ter leur his­toire. Mais…

Le livre se par­tage en six par­ties qui se coupent et s’entrecroisent, don­nant la vision de plu­sieurs per­son­nages à des époques dif­fé­rentes.
Ces récits s’appuient sur des bases authen­tiques, même si, pour struc­tu­rer le contenu du roman, elles ont été étof­fées, déve­lop­pées, inté­grant une part de fiction.

Stépha­nie Bai­ley, pro­fes­seure d’histoire de l’ouest amé­ri­cain, s’attache à rendre à leur juste valeur le rôle des femmes dans le Far West. Elle relate, en intro­duc­tion, les cir­cons­tances qui lui ont per­mis de décou­vrir les vies de Mar­ga­ret Par­ker, de Hat­tie… Puis la roman­cière raconte la légende de Hat­tie Lacour et fait le lien avec le gang Par­ker dont elle était un élé­ment. Celle-ci, en 1936, alors âgée de 92 ans, a raconté son his­toire à Grace William dans le cadre d’entretiens menés pour le WPA (Works Pro­gress Admi­nis­tra­tion).
Elle a été esclave, sou­mise aux étreintes de son pro­prié­taire, sol­dat déguisé en homme, buan­dière. Elle était en fuite après avoir égorgé un Blanc qui lui avait mis le dos en bouillie à coups de cein­ture. Ce sont des archives des récits d’esclave qui éclairent son parcours.

Une large par­tie titrée “La Duchesse” relate plus par­ti­cu­liè­re­ment la vie de Mar­ga­ret Par­ker. Puis c’est la pour­suite par les Pin­ker­ton, cette agence de détec­tives pri­vés plus actifs et plus effi­caces que les polices régle­men­taires.
Melissa Len­hardt construit son livre en croi­sant les entre­tiens de Hat­tie Lacour, deve­nue Hen­rietta Lee, le jour­nal tenu par Mar­ga­ret Par­ker et les notes de tra­vail de Claire Hamil­ton, une ancienne agente de Pin­ker­ton qui veut créer sa propre agence et a besoin d’une action d’éclat comme arrê­ter le gang Parker.

Avec Les femmes d’Heresy Ranch, la romancière-historienne donne un récit attrac­tif à l’intrigue conçue avec une belle inten­sité et offre une réha­bi­li­ta­tion du rôle essen­tiel des femmes pour la colo­ni­sa­tion, donne une vision éclai­rante de l’existence quo­ti­dienne dans ces régions en deve­nir.
Elle brosse de magni­fiques figures fémi­nines qui res­tent long­temps en mémoire, le livre refermé.

serge per­raud

Melissa Len­hardt, Les femmes d’Heresy Ranch (Heresy Ranch), tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Tania Capron, cherche midi, coll. “Ailleurs”, février 2021, 544 p. – 23,00 €.

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