L’ironie suprême de Patrick Boutin s’inscrit jusqu’au genre où il classe son livre, selon un certain nombre de plaisantins du feu le XXème siècle : la nouvelle.
Si elle se veut ici la règle ces exemples en sont tout autant l’exception.
La parenté formelle s’inscrit plus vers le poème en prose, mais le poème farce qui parfois comme pour “Tel père, telle fille” peut se réduire à une seule phrase : “La fille du sheriff était devenue danseuse étoile“
L’humour est donc la seule exigence et l’enjeu d’un propos primesautier propre à tous les pas de côté. L’unique engagement est donc bien celui d’une cause imparfaite où la seule obligation est de placer la balle entre les yeux du réel.
Pour autant, Boutin ne provoque pas : sa vivacité est faite pour retrouver une légèreté qui manque tant à la littérature qu’à sa réserve. Ici, quand un homme déambule en sifflotant, tenant par le bras son épouse”, nous apprenons très vite que le mari modèle vient de la démembrer, preuve que l’auteur fait partie des “tueurs en chérie”- titre d’un de ses livres.
Boutin pratique l’écriture tel un être double : chez lui l’artiste se cache toujours sous l’écrivain.
Chaque texte est visuel, s’y inscrit un autre lieu du réel où, comme des détenus d’un prison, en creusant une galerie, nous renaissons de nos cendres comme de nos méfaits (“Faute au maton”).
Les textes répondent à une collection de regards divers dans des voies ouvertes moins dans le nonsensique que d’un autre et nouveau spectacle du vivant.
jean-paul gavard-perret
Patrick Boutin, En deux coups les gros, Cactus inébranlable éditions, coll. Microcactus, février 2021, 70 p. — 8,00 €.