Michel Moatti, Et tout sera silence

Un uni­vers monstrueux !

Lynn Duns­day revient pour une nou­velle enquête. Les lec­teurs ont pu faire sa connais­sance dans Tu n’auras pas peur (10/18, n° 5370) où, pour son métier de jour­na­liste, elle suit une série de meurtres com­mis dans Londres. Ceux-ci repro­duisent des scènes de crimes his­to­riques.
Michel Moatti prend, pour point de départ des enquêtes de Lynn, des faits divers authen­tiques. Dans Tu n’auras pas peur, il se fonde sur l’assassinat, par deux ado­les­cents, du petit James Bul­ger, à Liver­pool, en 1993. Pour le pré­sent roman, il use du scan­dale pro­vo­qué par le baron Sewel en 2015.

Et tout sera silence débute en Pologne quand Mag­da­lena, une jeune coif­feuse, embarque dans une camion­nette pour l’Europe de l’Ouest. On lui a pro­mis un tra­vail dans des lieux pres­ti­gieux.
Tony Grant, le rédac­teur en chef du Bum­per, le web-magazine où est employée Lynn, la charge de suivre le dos­sier des attaques à l’arme blanche dans Londres : vingt-neuf en un peu plus d’un mois.
À une tren­taine de kilo­mètres du centre de Londres, au Moon & Spoon, une jeune femme, coin­cée dans les toi­lettes par deux hommes, est assas­si­née à coups de tour­ne­vis.
Lynn a accepté de s’installer chez Andy Fol­som, de par­ta­ger son quo­ti­dien. Elle exige qu’il pré­vienne des retards dus à son tra­vail d’inspecteur à la Metro­po­li­tan Police. C’est ce qu’il fait ce soir-là, expli­quant qu’il est à Slough où une fille a été bousillée.

La morte de Slough est vite iden­ti­fiée. Il s’agit d’une pros­ti­tuée polo­naise impli­quée dans un scan­dale politico-sexuel. Un Lord a été pho­to­gra­phié, dans une soi­rée pri­vée, à snif­fer de la cocaïne sur son soutien-gorge.
Andy et son équipe sont char­gés de l’affaire. Mais Lynn, pour cou­vrir l’événement, va s’introduire dans un uni­vers qui dépasse l’entendement, un milieu où elle risque le pire…

L’intrigue a, pour thème prin­ci­pal, le tra­fic d’êtres humains, les filières d’esclavage sexuel. Outre la pros­ti­tu­tion, ces réseaux font subir des séances de tor­tures pour assou­vir les fan­tasmes dégra­dants, dépra­vants de quelques spé­ci­mens de la lie de l’humanité. Michel Maotti ne fait pas dans la langue de bois et donne les détails de cette traite de jeunes femmes, d’enfants.
Il montre éga­le­ment ces membres des réseaux prêts à tout pour un peu de pou­voir, pour de l’argent. On vou­drait que nombre de ces scènes relèvent de la fic­tion, mais le roman­cier s’appuie sur des docu­ments offi­ciels, des témoi­gnages, dont il donne une par­tie de la liste en fin de volume.

Comme à son habi­tude, le roman­cier livre une his­toire sans temps morts avec une héroïne qui retient l’attention. Il a conçu une enquê­trice humaine, avec des fai­blesses, des peurs, une empa­thie, d’autant qu’elle découvre dans cet épi­sode une bonne ou mau­vaise nou­velle, selon le cas. Avec Andy, leur acti­vité assez proche est source de dis­putes car celui-ci détient des infor­ma­tions dont Lynn pour­rait tirer des articles attrac­tifs, des scoops écra­sant ainsi la concur­rence.
Avec une intrigue super­be­ment menée, détaillée, appuyée sur des faits réels, ser­vie par une écri­ture fluide, une gale­rie de per­son­nages bien construite — que ce soit dans le clan de la jus­tice, de la défense de l’être humain ou dans le groupe des cri­mi­nels -, ce roman se dévore et ne laisse sur­tout pas indifférent.

lire un extrait dans l’édition grand format

serge per­raud

Michel Moatti, Et tout sera silence, Édi­tions 10/18, n° 5557, coll. “Domaine Poli­cier”, octobre 2020, 312 p. – 7,80 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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