À partir d’un braquage qui tourne mal, le romancier conçoit une intrigue qui mêle suspense, violence de malfrats et la vie quotidienne de personnages ordinaires, chacun essayant de tendre vers un Eden à leur dimension.
Et leur demande n’est pas excessive, vivre mieux, vivre ailleurs, vivre libre.
René fait le guet pendant que Franco et Le Chinois braquent l’agence bancaire. À la seconde prévue, la BMW pilotée par Linceul arrive. René fait signe à ses complices à l’intérieur, mais un affreux bruit de ferraille attire l’attention de tous. L’avant de la voiture, couvert de sacs poubelle, est enfoncé dans un container pour verres. Pendant que les voleurs tentent de la dégager, les carabiniers arrivent et le braquage tourne à la fusillade. René est capturé.
Diego Massa est employé à l’institution publique chargée des retraites où il vérifie les demandes d’invalidité temporaire. Célibataire et complaisant il est très sollicité par une grand-mère tyrannique. Après une courte nuit, le premier dossier à instruire concerne un danseur de quarante-trois ans. Celui-ci se massacre les jambes à intervalles réguliers. Diego constate que, cette fois-ci, il s’est rompu le ménisque droit qui lui a été retiré… trois ans plus tôt. À la fin de la journée, il a signifié douze refus de prise en charge.
René, en prison, est soumis à une rude pression pour dénoncer ses complices.
Diego s’est rapproché d’Elisabetta, une collègue. Mais, alors qu’il l’a invitée au restaurant, sa grand-mère lui demande, entre autres, d’aller chercher les médicaments de son amie qui habite quelques étages au-dessus. Elisabetta l’accompagne. Elle se retrouve à devoir faire une piqure à la vieille dame. Diego, voulant refermer un tiroir dans la cuisine, découvre deux belles liasses, 175 000 euros, qu’il met dans sa poche…
C’est au ministre de la Santé que germe l’idée de l’opération An Zéro. Les seniors coutent trop cher à la société. Il faut en éliminer. Des hauts fonctionnaires doivent mettre en œuvre le projet et Diego se retrouve désigné par son chef…
Antonio Manzini propose de suivre le parcours des deux principaux protagonistes que sont René et Diego, son cadet. Le premier a mis le pied dans la délinquance, l’autre mène une vie morne, soumis aux sollicitations d’une acariâtre vieille femme. Il voit une ouverture avec la rencontre d’une jeune femme qui semble bien disposée vis-à-vis de lui pendant que son frère ainé se débat dans un piège.
Parallèlement, une équipe composée de hauts-fonctionnaires met en place une opération visant à faire faire des économies à l’État italien.
Avec de courts chapitres, le romancier enchaîne les actions, les situations, les scènes qui constituent un tableau coloré d’une société de “petites gens”. Il montre un groupe de personnages en proie à une dérive des valeurs humaines, une dérive initiée par l’argent. Cependant, d’autres sentiments plus nobles, plus beaux poussent certains de cette comédie humaine.
La plupart se retrouvent entraînés malgré eux dans une spirale, dans une succession de situations qui les placent en situation de se défendre, voire de sauver leur peau.
Les péripéties, qui se déroulent tambour battant, sont contés avec un humour malicieux tant dans les dialogues que dans les actions. Dès le départ, l’auteur donne ce ton cocasse avec le plantage de la voiture dans un lot de poubelles. Tout au long du récit; il distille une atmosphère où se mêlent facéties et cynisme, comme, par exemple, lorsque les hautes autorités font le bilan de l’opération.
C’est drôle, on sourit, mais pas très longtemps car c’est le reflet d’une triste réalité : le gaspillage de l’argent des contribuables.
La course des hamsters est le premier roman publié par l’auteur en 2007. Il dédie cette réédition à un lecteur anonyme qui s’est retrouvé, à l’époque, avec ce livre dans son panier plein d’ouvrages, livre glissé subrepticement par Antonio Manzini.
Ce roman se dévore avec appétit tant le propos est conté avec verve, les personnages sont d’une belle qualité, et l’intrigue menée en tension jusqu’à une chute assez glaçante.
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serge perraud
Antonio Manzini, La course des hamsters (La Giostra dei criceti), traduit de l’italien par Samuel Sfez, Folio policier n° 920, novembre 2020, 384 p. – 8,50 €.