Antonio Manzini, La course des hamsters

Un superbe roman noir 

À par­tir d’un bra­quage qui tourne mal, le roman­cier conçoit une intrigue qui mêle sus­pense, vio­lence de mal­frats et la vie quo­ti­dienne de per­son­nages ordi­naires, cha­cun essayant de tendre vers un Eden à leur dimen­sion.
Et leur demande n’est pas exces­sive, vivre mieux, vivre ailleurs, vivre libre.

René fait le guet pen­dant que Franco et Le Chi­nois braquent l’agence ban­caire. À la seconde pré­vue, la BMW pilo­tée par Lin­ceul arrive. René fait signe à ses com­plices à l’intérieur, mais un affreux bruit de fer­raille attire l’attention de tous. L’avant de la voi­ture, cou­vert de sacs pou­belle, est enfoncé dans un contai­ner pour verres. Pen­dant que les voleurs tentent de la déga­ger, les cara­bi­niers arrivent et le bra­quage tourne à la fusillade. René est cap­turé.
Diego Massa est employé à l’institution publique char­gée des retraites où il véri­fie les demandes d’invalidité tem­po­raire. Céli­ba­taire et com­plai­sant il est très sol­li­cité par une grand-mère tyran­nique. Après une courte nuit, le pre­mier dos­sier à ins­truire concerne un dan­seur de quarante-trois ans. Celui-ci se mas­sacre les jambes à inter­valles régu­liers. Diego constate que, cette fois-ci, il s’est rompu le ménisque droit qui lui a été retiré… trois ans plus tôt. À la fin de la jour­née, il a signi­fié douze refus de prise en charge.

René, en pri­son, est sou­mis à une rude pres­sion pour dénon­cer ses com­plices.
Diego s’est rap­pro­ché d’Elisabetta, une col­lègue. Mais, alors qu’il l’a invi­tée au res­tau­rant, sa grand-mère lui demande, entre autres, d’aller cher­cher les médi­ca­ments de son amie qui habite quelques étages au-dessus. Eli­sa­betta l’accompagne. Elle se retrouve à devoir faire une piqure à la vieille dame. Diego, vou­lant refer­mer un tiroir dans la cui­sine, découvre deux belles liasses, 175 000 euros, qu’il met dans sa poche…
C’est au ministre de la Santé que germe l’idée de l’opération An Zéro. Les seniors coutent trop cher à la société. Il faut en éli­mi­ner. Des hauts fonc­tion­naires doivent mettre en œuvre le pro­jet et Diego se retrouve dési­gné par son chef…

Anto­nio Man­zini pro­pose de suivre le par­cours des deux prin­ci­paux pro­ta­go­nistes que sont René et Diego, son cadet. Le pre­mier a mis le pied dans la délin­quance, l’autre mène une vie morne, sou­mis aux sol­li­ci­ta­tions d’une aca­riâtre vieille femme. Il voit une ouver­ture avec la ren­contre d’une jeune femme qui semble bien dis­po­sée vis-à-vis de lui pen­dant que son frère ainé se débat dans un piège.
Paral­lè­le­ment, une équipe com­po­sée de hauts-fonctionnaires met en place une opé­ra­tion visant à faire faire des éco­no­mies à l’État italien.

Avec de courts cha­pitres, le roman­cier enchaîne les actions, les situa­tions, les scènes qui consti­tuent un tableau coloré d’une société de “petites gens”. Il montre un groupe de per­son­nages en proie à une dérive des valeurs humaines, une dérive ini­tiée par l’argent. Cepen­dant, d’autres sen­ti­ments plus nobles, plus beaux poussent cer­tains de cette comé­die humaine.
La plu­part se retrouvent entraî­nés mal­gré eux dans une spi­rale, dans une suc­ces­sion de situa­tions qui les placent en situa­tion de se défendre, voire de sau­ver leur peau.

Les péri­pé­ties, qui se déroulent tam­bour bat­tant, sont contés avec un humour mali­cieux tant dans les dia­logues que dans les actions. Dès le départ, l’auteur donne ce ton cocasse avec le plan­tage de la voi­ture dans un lot de pou­belles. Tout au long du récit; il dis­tille une atmo­sphère où se mêlent facé­ties et cynisme, comme, par exemple, lorsque les hautes auto­ri­tés font le bilan de l’opération.
C’est drôle, on sou­rit, mais pas très long­temps car c’est le reflet d’une triste réa­lité : le gas­pillage de l’argent des contribuables.

La course des hamsters est le pre­mier roman publié par l’auteur en 2007. Il dédie cette réédi­tion à un lec­teur ano­nyme qui s’est retrouvé, à l’époque, avec ce livre dans son panier plein d’ouvrages, livre glissé subrep­ti­ce­ment par Anto­nio Man­zini.
Ce roman se dévore avec appé­tit tant le pro­pos est conté avec verve, les per­son­nages sont d’une belle qua­lité, et l’intrigue menée en ten­sion jusqu’à une chute assez glaçante.

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serge per­raud

Anto­nio Man­zini, La course des ham­sters (La Gios­tra dei cri­ceti), tra­duit de l’italien par Samuel Sfez, Folio poli­cier n° 920, novembre 2020, 384 p. – 8,50 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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