Tensions intérieures sur l’échiquier du sort
De part et d’autre de la scène, derrière chaque partie du public, on voit la mer, large, haute, omniprésente, immobile et pourtant parcourue tantôt d’insignes mouvements. Deux hommes soumis à une lumière crue, au milieu des spectateurs ; Agamemnon profère quelques paroles sibyllines. Déchiré par l’oracle qui lui demande sa fille, nouvel Abraham, le roi des Grecs expose sa situation avec humanité.
Racine fait du sacrifice d’Iphigénie le dernier acte d’un drame au cours duquel ont lieu plusieurs tentatives pour la sauver. Mais des événements surviennent de l’un des protagonistes de l’action qui, comme par mégarde, fait échouer le projet. Chacun des héros se trouve prisonnier d’un sort ficelé malgré lui par des liens sociaux qui ne se maîtrisent pas. On assiste à une humanisation du destin tragique.
La scénographie procède du contraste entre des dialogues d’esprit intimiste et le grand espace de la mer, en permanence animée d’un mouvement insensible, destinée à ouvrir l’assaut sur l’objectif invisible. Le plateau est organisé de façon minimaliste : sol blanc, chaises blanches, fontaine à eau, porte ouvrant sur le chemin de l’autel du sacrifice. Par les costumes, on est au sommet d’une grande entreprise, ou dans un cabinet à la tête de l’exécutif, soucieux du bien public.
Stéphane Braunschweig a initié cette création pendant le confinement ; les rôles peuvent tous être joués par deux interprètes différents, ce qui peut conduire à des variations dans les représentations, en fonction des comédiens.
Une mise en scène sobre, solennelle, agrémentée de quelques ornements musicaux, des lumières rappelant l’approche du drame ; un spectacle réussi, mais restant un peu froid.
Une belle actualisation du propos racinien, qui interroge notre présent sans pourtant le bousculer, tant la tragédie est montrée comme intériorisée.
christophe giolito
Iphigénie
de Jean Racine
mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig
Photo du spectacle © Simon Gosselin
avec (en alternance) Agamemnon : Claude Duparfait / Jean-Philippe Vidal
Achille : Pierric Plathier / Thibault Vinçon
Ulysse : Sharif Andoura / Jean-Baptiste Anoumon
Clytemnestre : Anne Cantineau / Virginie Colemyn
Iphigénie : Suzanne Aubert / Cécile Coustillac
Ériphile : Lamya Regragui / Muzio Chloé Réjon
Arcas : Jean-Baptiste Anoumon / Thierry Paret
Eurybate : Glenn Marausse / Pierric Plathier / Thibault Vinçon
Ægine : Ada Harb / Clémentine Vignais
Doris : Astrid Bayiha / Clémentine Vignais
Collaboration artistique Anne-Françoise Benhamou ; costumes Thibault Vancraenenbroeck ; lumière Marion Hewlett ; son Xavier Jacquot ; vidéo Maïa Fastinger ; assistante à la mise en scène Clémentine Vignais.
Au théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier 17e 1, rue André Suarès, 75017 Paris
Du mardi au samedi à 17h30, le dimanche à 15h ; relâches le dimanche 27 septembre, les 11, 25 et 31 octobre et le 1er novembre ; durée 2h10.
Construction du décor Atelier de construction de l’Odéon et toute l’équipe technique de l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Production Odéon-Théâtre de l’Europe.
https://www.theatre-odeon.eu/fr/saison-2020–2021/spectacles-20–21/iphigenie-2020