lelitteraire.com propose de manière inédite à ses lecteurs ayant apprécié les billets “en marge” de Didier Ayres de découvrir chaque semaine une partie de son oeuvre théâtrale, H.P (Scènes de désespoir et de miracles)
avant-propos de l’auteur :
H.P. porte un regard sur l’institution psychiatrique. En 12 scènes on y retrouve l’essentiel des vrais moments d’un asile, des séquences véridiques de ce lieu de surveillance : les infirmiers, les patients, les thérapeutes, les familles, l’heure du thé dans l’après-midi, la nuit avec ou sans sommeil, la contention, les conversations entre les asilaires, etc. Ce qui ressort de cette plongée en milieu hospitalier, c’est la souffrance de tous et de chacun, douleur qui s’exprime soit par l’angoisse, soit par le rire.
C’est ce destin d’une communauté de vivants — comparables à des détenus — qui m’a poussé à imaginer cette pièce. La tension dramatique, tension d’êtres humains bousculés comme en une nef des fous, pour moi a fait théâtre (plus à mes yeux que la célébration d’un office religieux). Ce qui est sacré ici, c’est cette focale sur le fond de l’être. Ainsi, « le monde est un théâtre ».
didier ayres
Scène 3
Calmez-vous.
C’est la musique. C’est à cause de la musique.
C’est la musique ; oui, c’est la musique.
On veut de la musique. De la musique. Du théâtre.
Bonjour. Aimez-moi.
Qui veut venir ?
Je veux venir aussi.
Prenez.
Restez calme.
M. Rougemont ?
On dit DE Rougemont.
M. Rougemont, attachez votre pantalon.
Aujourd’hui, c’est le 2.
Moi, je ne veux pas.
C’est une situation réelle, n’est-ce pas ?
Calmez-vous.
Je veux de la musique.
Du théâtre !
Mettez-moi mon châle.
Ils cherchent quoi ?
Prenez cela.
Sinon ?
Sinon, c’est l’isolement.
La musique à la radio, on y a droit ?
Écoutez l’infirmier. L’infirmier en chef, s’il vous plaît.
Ne dites pas de bêtises.
Vous n’aimez pas la musique ?
On veut de la musique.
Du théâtre.
C’est faux, ils ne veulent rien.
La raison ?
On ne sait pas.
C’est une pathologie.
Mademoiselle Laure, voulez-vous ?
…
Ils font une différence entre le corps et l’esprit. Mais, c’est un point de vue.
C’est où, la musique ?
Monsieur Michel.
Ça se fête, n’est-ce pas ?
Tu as vu quoi ?
Je vais mettre une musique.
Qui vient avec moi ?
lire la scène 4