Marie-Laure Dagoit et Isabelle Cochereau s’appuient mutuellement l’une sur l’autre dans leur jeu d’eau que la première précise : “je veux donc me noyer aux premiers jours, mettre mon corps à l’eau, et je regarde les algues couler sur ma peau”. Ce saut non dans le néant mais dans l’onde permet de sortir de l’ombre de la boue ou des livres où souvent elle cachait son vertige.
Les images d’Isabelle Cochereau le soulignent. Le texte devient l’étape nécessaire aux commencements. Celui de la vie comme celui de l’amour. L’eau efface la douleur des moments où M-L Dagoit se vit ” tomber à la renverse”. C’est le moyen, sinon de s’élever, du moins d’émerger à ” la surface de la plage”, histoire de saisir sa propre clarté à la lumière de l’autre.
Certes, tout n’est pas acquis : “le soleil a juste brûlé ma peau et je ne perds pas la tête” et il se peut qu’en une telle traversée l’autre se perde jusque dans la fragile trame et traîne des mots. Le chant reste encore aveugle mais ces derniers se faufilent là où le dessin s’effiloche mais tient. Il peut s’accrocher à la traversée des cordelettes des vocables et au passage des phrases.
Dans leur tordage et le retordage des images tournent les moulins de l’aube des bras. Ils tendent jusqu’à l’épuisement là où le cocon du “deux” peut éclater à la rupture de l’envol
Reste la puissance d’une fragile éclosion face à une disparition, éphémère ou non. La nage reste néanmoins le signe du cheminement. La démunie de tout alphabet retrouve ses mots.
A la faille du consentement s’ouvre la blessure de l’impossible “deux” mais, en même temps, une douleur s’éloigne et cela peut faire le jeu d’une proximité.
jean-paul gavard-perret
Marie-Laure Dagoit & Isabelle Cochereau, Le soleil a seulement brûlé, Editions Derrière la Salle de Bains, Rouen, 2020 — 5,000 €.