Anne Perry, Dans l’œil du cyclone

Face à la mon­tée d’un totalitarisme…

Mai 1933, Elena Stan­dish est à Amalfi pour prendre des pho­tos lors d’une confé­rence éco­no­mique. Alors qu’elle regarde dan­ser Mar­got, sa sœur aînée, un homme aborde Elena. Il se pré­sente comme un jour­na­liste éco­no­mique et, après quelques minutes de conver­sa­tion, invite les deux jeunes femmes à dîner. Au res­tau­rant Ian New­ton s’est per­mis de réser­ver pour quatre et pré­sente Wal­ter Mann.
Elena est sub­ju­guée par Ian, elle qui a vécu une ter­rible décep­tion sen­ti­men­tale il y a quelques années. Alors qu’ils regagnent leur chambre res­pec­tive, ils entendent le cri d’horreur poussé par une femme de chambre. Elle a décou­vert un cadavre dans un pla­card à linge. La police inter­roge les témoins. Ian affirme ne pas connaître le mort. Elena est cer­taine qu’il ment.

Le len­de­main, un télé­gramme amène Ian à par­tir immé­dia­te­ment. Il demande à Elena de l’accompagner jusqu’à Paris, des­ti­na­tion qu’elle avait évo­quée avant de rejoindre Londres.
C’est dans le train, alors qu’elle s’est assou­pie pen­dant que Ian est parti cher­cher du thé qu’elle sur­saute au bruit que fait Wal­ter Mann debout dans l’encadrement du com­par­ti­ment. Il est inquiet car il ne voit pas son ami. C’est Elena qui le trouve griè­ve­ment blessé. Il lui glisse un mor­ceau de papier dans la main lui révé­lant être du MI6. Elle doit aller à Ber­lin à l’ambassade contac­ter Roger Cor­dell pour empê­cher un assas­si­nat qui sera imputé à l’Angleterre. Elle lui pro­met de la faire pen­dant qu’il meurt.
Lucas Stan­dish, le grand-père d’Elena, a dirigé le MI6 durant une bonne par­tie de la guerre. À soixante-dix ans pas­sés, il ne fait plus par­tie du ser­vice mais il a gardé des liens avec un agent et ils se ren­contrent régu­liè­re­ment. Celui-ci lui fait part de son inquié­tude. Il a acquis la quasi-certitude que Roger Cor­dell tra­hit, à Berlin…

Le récit se centre sur le par­cours d’Elena, vingt-huit ans. Elle vit modes­te­ment d’une acti­vité de pho­to­graphe, acti­vité qui, cepen­dant, la pas­sionne. Après de brillantes études uni­ver­si­taires et compte tenu de la posi­tion de son père qui fut ambas­sa­deur à Ber­lin, Paris, Madrid, elle était appe­lée à faire une belle car­rière au minis­tère des Affaires étran­gères. Tom­bée amou­reuse de son res­pon­sable de ser­vice, celui-ci a trompé tout le monde et brisé la car­rière d’Elena.
Lucas, son grand-père, occupe une place impor­tante dans le cours de l’histoire par son passé de chef espion.

Anne Perry fait com­prendre les séquelles lais­sées par les com­bats meur­triers de la Grande Guerre. Presque chaque famille a perdu un ou plu­sieurs membres, qui un mari, qui un fils… Le deuil conti­nue de peser sur les opi­nions d’une part de la popu­la­tion, ame­nant cer­taines per­sonnes à accep­ter tous les com­pro­mis pour empê­cher le retour d’un tel conflit.
Pour les sur­vi­vants de cette bou­che­rie, le retour n’est pas facile avec les sou­ve­nirs des hor­reurs vécues. La sépa­ra­tion d’avec le conjoint amène nombre de couples à res­ter ensemble sans rien par­ta­ger, fai­sant sem­blant d’être femme et mari.

C’est aussi l’émergence de ces nou­velles idéo­lo­gies qui inquiètent ou fas­cinent. Le com­mu­nisme est perçu comme une menace par une large part de la popu­la­tion anglo-saxonne et la posi­tion nazie de lutte contre cette idéo­lo­gie ras­sure et amène une cer­taine adhé­sion.
La roman­cière place son héroïne dans des situa­tions intenses et dra­ma­tiques. Elle décrit à mer­veille l’incompréhension, la dif­fi­culté d’admettre une telle vio­lence en Alle­magne, les meurtres poli­tiques, l’arrogance des membres de nou­velles struc­tures comme les Che­mises brunes. Elle pro­pose, par le biais d’Elena une réflexion qui s’applique encore aujourd’hui avec inten­sité : “Tous sem­blaient por­ter des armes… pour se per­sua­der qu’ils étaient des hommes … ?

Ces remarques, ces ana­lyses, ces don­nées poli­tiques et his­to­riques s’inscrivent dans une intrigue forte jusqu’à une conclu­sion sin­gu­lière, au cœur du triomphe nazi en Alle­magne.
Cette intrigue est por­tée par une magni­fique héroïne qu’on aurait un grand plai­sir à retrou­ver dans de nou­velles aventures.

serge per­raud

Anne Perry, Dans l’œil du cyclone (Death in Focus), tra­duit de l’anglais par Flo­rence Ber­trand, Édi­tions 10/18, coll. “Grands Détec­tives”, juin 2020, 378 p. – 14,90 €.

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