Bernard-Henri Lévy, Ce virus qui rend fou

Un tra­vail de réflexion salutaire

Voici le meilleur livre que je connaisse de Bernard-Henri Lévy, dense, concis et bien enlevé au point qu’on le lit d’une traite.
Il a pour but de faire réflé­chir au phé­no­mène de la “Pre­mière Peur mon­diale“, autre­ment dit, à l’angoisse col­lec­tive sus­ci­tée par une pan­dé­mie pour­tant plus modeste que la grippe espa­gnole ou celle de Hong Kong, qui n’avaient pas incité les gou­ver­ne­ments à mettre le monde sous cloche.

En réper­to­riant les réac­tions à la Covid-19 aux quatre coins du monde, l’auteur nous offre des aper­çus par­fois hila­rants : “Daech a déclaré l’Europe zone à risque pour ses com­bat­tants qui ont filé se mou­cher dans des Klee­nex à l’eucalyptus, au fond de quelque caverne syrienne ou ira­kienne.“ (p. 10), avant d’évoquer le cas, par­ti­cu­liè­re­ment sai­sis­sant, du Ban­gla­desh : “[…] on y mou­rait de la dengue, du cho­léra, de la peste, de la rage, de la fièvre jaune et de virus incon­nus ; mais voilà qu’on y détecte quelques cas de Covid et lui aussi, comme un seul homme, se sangle dans le confi­ne­ment.“ (p. 11).

BHL n’est cepen­dant pas un adver­saire farouche de la qua­ran­taine, soit dit pour ses par­ti­sans qui le pren­draient en grippe sans cette pré­ci­sion. Non, il se pré­oc­cupe des aspects sociaux, poli­tiques et idéo­lo­giques du phé­no­mène, en obser­vant que des prin­cipes “qui étaient ce que les socié­tés occi­den­tales ont de meilleur, ont été atta­qués par le virus, et par le virus du virus, en même temps que les hommes mou­raient.“ (p. 15).
En s’appuyant sur des cita­tions bien choi­sies de phi­lo­sophes, de pen­seurs reli­gieux et d’écrivains, Bernard-Henri Lévy par­vient à l’idée que l’enfer, c’est cha­cun de nous “en tant que nous sommes enfer­més dans notre corps, réduits à notre vie de corps et que, sous l’empire du pou­voir médi­cal, ou du pou­voir tout court s’emparant du pou­voir médi­cal, ou de notre propre assu­jet­tis­se­ment aux deux, nous y consen­tons.“ (p. 72).

Il rap­pelle des faits signi­fi­ca­tifs qui illus­trent “notre ahu­ris­sante doci­lité à l’ordre sani­taire en marche et à sa mise en demeure des corps“ (p. 73), dont la fer­me­ture des librai­ries, des lieux de culte, des musées, des parcs et autres “points de médi­ta­tion pro­fane, où l’humanité a pour habi­tude d’étancher ses soifs spi­ri­tuelles, non chif­frables, non mar­chandes“ (p. 74).
En somme, il constate que le monde actuel est passé du contrat social au “nou­veau contrat vital (tu abdiques un peu, beau­coup, l’essentiel de ta liberté – je t’offre, en échange, une garan­tie anti­vi­rus)“ (p. 81), ce qui consti­tue une rup­ture avec toutes les sagesses traditionnelles.

Pour finir, l’auteur nous invite à résis­ter “à ce vent de folie qui souffle sur le monde“. On lui sou­haite beau­coup de lec­teurs, et qui se retrouvent conta­mi­nés ou plu­tôt gué­ris par sa saine raison.

lire un extrait

agathe de lastyns

Bernard-Henri Lévy, Ce virus qui rend fou, Gras­set, juin 2020, 104 p. – 8,00 €.

Leave a Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>