Inspiré des souvenirs d’enfance de l’auteure, ce roman nous transporte dans la campagne finlandaise des années 1950, où l’on vit à peu près comme à l’âge du fer. Il y est plus courant de recevoir une sorcière que de croiser une automobile.
La narratrice reconstitue son univers du temps où elle avait 4 ans, comparable au monde des contes de fées par son mélange d’onirisme et d’épreuves effrayantes.
La guerre, que la Finlande a perdue, semble toute proche : tous les hommes en parlent, à commencer par le père, vétéran encore jeune mais qui semble avoir déjà tout raté, qu’il s’agisse de sa vie de famille, sous l’égide d’une grand-mère avare et autoritaire, ou du travail qui ne lui laisse aucune perspective meilleure que de rester bûcheron ou ouvrier.
La famille finit par immigrer en Suède, où de nouvelles épreuves l’attendent, à commencer par la difficulté de s’intégrer quand on ne parle pas un mot de la langue locale…
L’aspect quasi magique présent dans la première partie du roman cède la place à un désenchantement croissant, sans que la narratrice perde pour autant l’esprit d’endurance qui lui fait percevoir comme naturelles la plupart des choses pénibles à subir au quotidien.
L’imaginaire prend le relais, au besoin, pour aider la protagoniste à mieux les supporter, notamment à travers les personnages de fiction auxquels elle s’identifie.
Si le propos du roman n’est guère optimiste, la vision du monde qu’il reflète est propre à insuffler du courage, y compris quand il s’agit de narrer des échecs.
Ainsi, la petite « jeannette » qui n’arrive pas à confectionner les divers nœuds requis chez les scouts observe que c’est inutile : “Un nœud plat permet en général de s’en sortir dans la vie. Seuls les gens vraiment désespérés ont besoin de faire un nœud coulant.“ (pp. 153–154).
Porté par l’écriture limpide et subtile d’Arja Kajermo, le récit est captivant de bout en bout. Les illustrations, nombreuses et très belles, contribuent au plaisir de la lecture.
Bien qu’il s’agisse d’un livre a priori destiné aux adultes, il n’en est pas moins loisible de l’offrir aux adolescents : ils pourraient à la fois s’y instruire et y trouver un certain réconfort, ne serait-ce qu’à comparer leurs problèmes avec ceux de la narratrice.
agathe de lastyns
Arja Kajermo, L’Âge du fer, traduit de l’anglais (Irlande) par Véronique Béghain, illustrations de Susanna Kajermo, Do, octobre 2019, 168 p. – 18,00 €.