Didier Ayres, Littérature ?

Litté­ra­ture ? 

image ci-dessus : Giu­seppe Arcim­boldo, Le Biblio­thé­caire (Il Biblio­te­ca­rio), 1570, détail.

Puisque je cite par­fois Roland Barthes, je dois dire que ce texte de prose que j’essaye de rédi­ger ici, est ins­piré d’une lec­ture du pre­mier livre du célèbre écri­vain. Je ne veux pas redire ou refaire, ou cam­per mon idée sur les siennes, mais don­ner à voir en quoi écrire reste un acte où règnent une cer­taine obs­cu­rité, des incer­ti­tudes. La lit­té­ra­ture est bel et bien orga­ni­sée sur les deux axes, hori­zon­tal, celui du lan­gage, et ver­ti­cal, celui du style.
Sachant cela, rien n’explique clai­re­ment quand, sou­dain, un texte, un poème, voire une strophe, un vers, quelques mots assem­blés deviennent de la lit­té­ra­ture, de l’art, sorte de pont entre l’émerveillement et la réa­lité. Sous ce pont où le lec­teur se penche, sur­git la brume de l’écriture. Ce pon­til qui sur­plombe la signi­fi­ca­tion, l’idée, l’étonnante can­ti­lène qui, comme un ruis­seau, prête le mana à l’écriture, et cela sans pos­si­bi­lité de retra­cer ce qui fait pen­sée magique au centre de cette phrase, et en ce cours d’eau énig­ma­tique et pro­fond, figure la tâche du liseur en son opiniâtreté.

Le style dont la grâce se situe jus­te­ment dans le fran­chis­se­ment à la fois auda­cieux et réflé­chi du lan­gage, presque impropre par­fois à la conti­nuité de la langue, ensemble évident et obs­cu­ré­ment indé­cis, semble un par­tage, une cou­pure si je puis dire, ver­ti­ca­lité en guise de schéma, mais dont la crois­sance n’est pas expli­cite.
On devine, on res­sent, on sup­pute la gran­deur devant cette ligne écrite, et par­tant, on voit la per­fec­tion sty­lis­tique de cette page, quand par­fois on dis­tingue aussi l’écrivain dans la part de son expres­sion qui le dépasse, mais on ne sait rien de cette crois­sance que l’on ne voit pas net­te­ment, que l’on ne peut en défi­ni­tive que subir. Comme subir la beauté.

Pour conclure, même si j’insiste sou­vent pour que l’on prenne la mesure de ce qui est incom­pré­hen­sible, flou, bru­meux, téné­breux, je pré­cise que j’aime davan­tage me tenir au rang de l’horizontalité, car j’y vois l’égalité, la proxi­mité avec ce qui côtoie la page écrite. Être ver­ti­cal me serait sans doute un grand orgueil, car rien n’arrive sans l’étendue linéaire du syn­tagme, expres­sion nette qui conduit une pen­sée nette, et non l’inverse.
La vérité du style tient à la foi directe que l’on pro­jette dans le déve­lop­pe­ment des lignes, des mots, des carac­tères, croyance sub­jec­tive de l’auteur dans la valeur de son texte ; là est le secret infranchissable.

Didier Ayres

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