Quand les secrets les mieux gardés…
Joseph Ratzinger devient pape sous le nom de Benoit XVI, le 19 avril 2005. En fin de journée un vieux prêtre lui apporte des documents qu’il doit lire le soir même. Leur découverte l’épouvante.
Ben Isaac, un ancien archéologue contemple les trésors qu’il cache dans son bunker secret de Londres.
Jacopo Sebastiani est un agent du Vatican comme Rafael Santini. Le premier s’impose dans le cours de philosophie que donne le second à l’université pontificale grégorienne de Rome. Ils doivent se rendre sans délai près de Paris où un archéologue a été assassiné.
Hans Schmidt, un prêtre autrichien, est convoqué devant la Congrégation pour la doctrine de la foi. Ses écrits contiennent des affirmations erronées, dangereuses et subversives. Arrivé à Rome, il rend visite à son vieil ami Tarcisio Bertone, le secrétaire d’État du Vatican. Celui-ci, lui révèle que le statu quo a été rompu, que deux personnes ont été tuées, une autre a disparu, et la famille Ben Isaac est introuvable.
Sarah Monteiro, une journaliste, a écrit un livre qui met en cause des proches de Jean-Paul II qu’elle rend responsables de l’attentat du 13 mai 1981. Après sa conférence à Rome, elle est prise de nausées, les mêmes symptômes déjà ressentis à Londres. Elle laisse Francisco, son nouvel amant, à l’hôtel pour suivre le messager du cardinal William Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Celui-ci veut la mettre en contact avec Ben Isaac. Ce dernier a quitté la croisière qu’il faisait, à la demande expresse de son épouse, pour retourner à Londres, suivant en cela les instructions des ravisseurs de son fils.
À Paris, Rafael et Jacopo sont contraints de collaborer avec la police. Pour recueillir des informations sur le défunt archéologue, ils prennent contact avec un jésuite. D’abord très réticent, celui-ci se décide à livrer quelques informations quand un autre prêtre l’abat avant de retourner l’arme contre lui. Les morts se multiplient. Le nœud de l’affaire tient-il dans ce qu’Isaac a découvert à Qumrân et dont il garde jalousement le secret depuis cinquante ans ? Ces textes seraient-ils aussi explosifs pour l’Église catholique ?
Ce troisième volet de Complots au Vatican permet de renouer avec les deux principaux protagonistes de la série, à savoir Sarah Montiero, responsable de la politique internationale au Times et Rafael Santini, un agent secret du Vatican. Après avoir appuyé les intrigues précédentes sur Jean-Paul I et sur Jean-Paul II, Luis Miguel Rocha se fonde sur le pontificat de Benoît XVI.
Le romancier développe un récit remettant en cause les fondements mêmes de l’Église catholique, apostolique et romaine que sont la Passion et la Crucifixion du Christ. Il met en scène les principales personnalités du Vatican, depuis le secrétaire d’État, les membres de la Congrégation pour la propagation de la foi — le nom diplomatique du Saint-Office l’héritière de l’Inquisition. Mais, l’auteur, à aucun moment, ne se laisse aller à une dichotomie ni un manichéisme entre les bons chrétiens et les mauvais païens, ou l’inverse.
Avec sa galerie de personnages, il fait exprimer tous les points de vue, que ceux-ci viennent de croyants sincères, de non-croyants tout aussi sincères ou de ceux qui font semblant de croire. Il expose les idées, les opinions et laisse à chacun la liberté de se forger un avis, d’adhérer à l’une ou l’autre des affirmations. Mais il fait montre des opinions des chefs de l’Église qui, campés sur des dogmes séculaires, font tout ce qui est en leur pouvoir pour conserver la situation actuelle même s’ils savent parfaitement que les bases sont erronées et falsifiées.
Le mensonge sacré, comme les autres volets de la série, d’ailleurs, est construit avec une documentation solide où Luis Miguel Rocha fait preuve d’une érudition certaine sur nombre de questions relatives à l’histoire de la religion catholique romaine. Il expose l’origine des jésuites, cet ordre religieux fondé par Ignace de Loyola, un ordre dont l’histoire est particulièrement riche et intense. L’influence de cet ordre reste indéniable et le pouvoir du supérieur général, appelé aussi le Pape noir, surpasse selon certains celui du pape lui-même. Il explicite le fonctionnement du Vatican, en expose les différentes composantes et les divers courants qui ne coulent pas tous dans le même sens.
Le romancier manie aussi le double sens avec brio tant dans le titre que dans les textes. Par exemple, il fait entendre à Francesco, le nouvel amant de Sarah, la sentence le concernant : “Il n’y a aucune raison d’avoir peur. Votre rôle dans cette histoire n’est même pas celui d’un personnage secondaire ; à peine celui d’un figurant qui va bientôt être congédié.” Il n’hésite pas à pratiquer l’autodérision quand il glisse en fin de paragraphe, alors qu’il décrit les passagers de l’Eurostar dans lequel voyagent Rafael et Jacopo : “…une vieille femme au regard vif… plongé dans le best-seller du moment, un roman qui parle de complots au Vatican… et même d’un mensonge sacré.“
Mais toutes ces informations, ces apports ne ralentissent pas le tempo de l’action, une action débridée où chaque chapitre, relativement court, se conclut par un rebondissement surprenant. Il offre ainsi un récit vif, enlevé, au rythme tonique, nerveux, avec des dialogues pétillants et, si les situations s’y prêtent, pleins d’humour.
Le mensonge sacré est un des romans à lire absolument pour la richesse de l’action et de son contenu informatif. Attention, vous voudrez lire tous les autres tomes de la série !
serge perraud
Luis Miguel Rocha, Le mensonge sacré (A Mentira Sagrada), traduit du portugais par Vincent Gorce, l’aube, coll. “noire poche”, novembre 2019, 648 p. – 14,90 €.