Des gamineries mais dont il faut se méfier
Sophie Taeuber-Arp publie dans les numéros 4 et 5 de sa revue “Plastique”, en 1939 sous forme de “cadavre exquis”, “L’homme qui a perdu son squelette”. Il réunit textes et desssins de Hans Arp, Marcel Duchamp, Paul Eluard, Max Ernst, Georges Hugnet, Henri Pastoureau et Gisèle Prassinos. Chaque intervenant ignore ce que les autres préparent si bien, et comme l’écrit l’éditeur de cette réédition, que “le “roman” est privé de colonne vertébrale : seul le merveilleux subsiste”.
D’autant que, dans chacune des interventions, le squelette est bel et bien perdu et que chacun poursuit “à sa main” son travail insolite où le “qui tu es” part en sucette et renvoie à un “si je suis”.
Néanmoins, l’imaginaire joue à plein et sous-entend une forme de moquerie et de dérision mais laisse autant présager d’une réalité inquiétante (l’époque n’y est pas pour rien). Parfois, une forme d’affectivité joue un grand rôle, parfois un symbolisme quasi abstrait le remplace. Et tout le système de correspondance est déterminé par le concept qui induit le projet.
Existe là parfois un scepticisme distingué, parfois ce qui pourrait ressembler à d’ineffables gamineries mais dont il faut se méfier.
Le corps désossé devient un élément mystérieux. Il réunit l’essence de toutes ces expériences nouvelles, loin des visions chères aux plaisantins dont l’expérience esthétique de la “corporéité” se compose d’une panoplie de ressemblances.
Ici, images et textes nous font sortir de l’énoncé et nous projettent au-delà de la pensée, au-delà de ce qui existait déjà de quelque façon.
jean-paul gavard-perret
Collectif, L’homme qui a perdu son squelette, Illustrations de Mac Ernst, Fata Morgana, Fonfroide le Haut, 2019, 48 p. — 15,00 €.
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