Solitude et passion : entretien avec Cecil B (NiepceBook n° 12 )

Il existe, au sein de l’art de l’autoportrait comme du por­trait pho­to­gra­phique, diverses logiques capables de don­ner à voir une vérité qui n’est pas d’apparence mais d’incorporation. Cecil B le prouve : ses por­traits n’envisagent l’apparence qu’en la dé-visageant. Il s’agit de pho­to­gra­phier ou peindre ce qui ne peut se dire ou se mon­trer.
Le visage est plus “dans” qu’”à” l’image. Plus que sur le visage, c’est sur la “visa­géité” (Beckett) que doit por­ter le por­trait. Et cela est bien dif­fé­rent puisque sou­dain le pre­mier n’est plus for­cé­ment au centre de l’image. Il s’agit de s’écarter de la “fausse évi­dence” du miroir pour dia­lec­ti­ser par le lan­gage plas­tique un sujet qui n’est plus tout à fait du “même” afin de créer de l’émotion.

La pho­to­graphe est pré­sente sur Niep­ce­Book n° 12, Cor­ri­dore Ele­phant édi­tions, Paris.

Entre­tien :  

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La lumière, mes enfants et mon chien. Je suis lève-tôt.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je ne sais pas vrai­ment, les rêves se suivent et se transforment.

A quoi avez-vous renoncé ?
Au prince charmant.

D’où venez-vous ?
Bel­gique, Je vis dans la cam­pagne liègeoise.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
L’amour , le res­pect, les valeurs.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Prendre du temps pour ne rien faire.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Tous les artistes sont dif­fé­rents et heu­reu­se­ment ! Je suis très soli­taire, je n’aime pas la foule et j’expose peu. C’ est com­pli­qué pour moi de me mettre en avant, même si je fais des auto­por­traits ! Je fais mon tra­vail, je le par­tage. Ma démarche est peut être dif­fé­rente , je crée l’ intime sou­vent et il n’ y a pas tou­jours d’explication à don­ner. Sou­vent les artistes vont dans l’intellectuel… ce qui compte pour moi c’est la sen­sa­tion, ce que j’arrive à trans­mettre, c’est ce qui rend beau, ce sont les pho­tos qui se suivent, le tra­vail dans son ensemble.

Com­ment définiriez-vous la dif­fé­rence entre série de com­mandes et séries de créa­tion ?
Je me suis concen­trée pour l’ ins­tant sur ce tra­vail d’auteur. Le tra­vail de com­mande est dif­fé­rent dans l’implication et donc dans le résul­tat. La dif­fi­culté pour moi est de gar­der son inté­grité et sa créativité.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Cer­tai­ne­ment une pein­ture, je pense à une pein­ture de Miro ou a un des­sin de Cocteau.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Plu­tôt Clas­sic Rock, mais j’ ai besoin de silence pour tra­vailler, sinon cela me dis­perse. J’ ai besoin d’ une grande concentration.

Quel film vous fait pleu­rer ?
Tous les films qui sont fait pour ça. Trop émo­tive.. je pleure tout le temps …mais j ‘adore le cinéma…

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Mes défauts ou une inspiration.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
New York , ville intem­po­relle, tel­le­ment ciné­ma­to­gra­phique, j’adore.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Proche ? Je ne sais pas, je n’ ai pas de modèle ni de guide. En fai­sant mes séries de flou, j’ ai vu des simi­li­tudes avec Bacon. mais c’était juste un clin d’oeil. Sinon, j‘aime : les pho­tos de rue de Saul Lei­ter, la classe des por­traits de Lind­berg, La fan­tai­sie de Cindy Sher­man, la folie japo­naise de Araki Nobayo­shi ou de Daido Moriyama, les pein­tures de Hop­per, Bacon, Magritte et tous ceux qu ne me viennent pas direc­te­ment à l’esprit. Beau­coup de choses en fait.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un voyage en solitaire.

Que défendez-vous ?
Rien en soi, sinon bien sûr la liberté, la nature.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Un grand moment de soli­tude, je t’aime moi non plus. L’ amour c’est compliqué.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Ca va avec le per­son­nage, c’est un créa­tif …en avance sur son temps.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Qu’est ce qui motive ? La Pas­sion, l’Amour.

Entre­tien & pré­sen­ta­tion réa­li­sés par  jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 20 octobre 2019

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