Arnaud Le Gouëfflec & Dominique Bertail, Mondo Renverso – t.02 : “La Bonne, La Brute et la Truande”

Une superbe parodie 

Si le titre est trans­pa­rent, le cadre l’est moins, bien que l’intitulé du second tome soit por­teur de beaux indices. Les auteurs inversent les rela­tions entre les sexes, don­nant aux femmes, par un matriar­cat mus­clé, les rênes de leur vie et aux hommes la dépen­dance par rap­port à elles. Mais pour être encore plus paro­dique, ils retiennent le milieu tra­di­tion­nel­le­ment très mas­cu­lin (à quelques excep­tions près) du wes­tern.
Cor­ne­lia est une des­pe­ra­dette sans foi ni loi, Lind­bergh est un jeune ingénu. Ils s’aiment, mal­gré, leurs dif­fé­rences, d’un amour fou. Cor­ne­lia est pour­sui­vie par Hat­chet, une chas­seuse de primes. Celle-ci va abu­ser d’une bois­son magique qui la trans­forme en un gros bon­homme au sexe démesuré.

À l’issue des aven­tures vécues dans le pre­mier tome (Fluide Gla­cial – 2018 : Cor­ne­lia et Lind­bergh), les deux héros se sont ran­gés et ont fait deux enfants. Cor­ne­lia est deve­nue la shé­rife de la bour­gade. C’est en tant que telle qu’elle doit se lan­cer dans une nou­velle aven­ture pour retrou­ver un gar­çon enlevé par des membres d’un cirque de Freaks. Elle s’engage sur la piste des ravis­seurs. Mais cette déci­sion met en colère Lind­bergh qui ne tolère plus sa situa­tion d’homme à la mai­son pour gar­der les gosses. Il s’élance sur les traces de son épouse. Pour inté­grer la troupe, celle-ci se déguise en femme à barbe et part en tour­née au Mexique…

Le scé­na­riste s’en donne à cœur-joie et reprend des situa­tions, des réflexions rela­tives aux oppo­si­tions entre femmes et hommes et les inverse. Il évoque ainsi, pour expli­quer la dis­pa­ri­tion du gar­çon, la traite des blancs, dénonce le fait que le moyen de loco­mo­tion le moins per­for­mant reste à celui qui n’a que les gosses à emme­ner à l’école. Même Dieu est fémi­nisé dans un des jurons pré­féré de Lind­bergh : “Bor­delle de nom de dieue !!“
Arnaud Le Gouëf­flec  place une large part de son récit au cœur du folk­lore mexi­cain, fait cou­ler à flots le peyotl, le mez­cal, trans­forme le Baron samedi, une figure du vau­dou, en Baronne Samedi, une des­pe­ra­dette qui pos­sède un harem. Il intègre des réfé­rences de toutes natures comme Myr­tille, le pré­nom de leur fille, un terme qui n’est pas sans rap­pe­ler un fameux officier.

Avec une gale­rie de per­son­nages tous plus cocasses les uns que les autres, Le Gouëf­flec déroule un road-movie ardent. Cepen­dant, der­rière ce qui peut sem­bler, par moments, une grosse farce, pointe l’interrogation sur les rap­ports réels que les femmes et les hommes entre­tiennent, car ces cli­chés que les auteurs se régalent à détour­ner sont bien le reflet d’une conster­nante réa­lité.
Domi­nique Ber­tail assure un des­sin et une mise en cou­leurs tou­jours aussi effi­cace et dyna­mique. Les nom­breuses scènes d’action font mer­veille. Le choix d’une cou­leur sépia donne un carac­tère très par­ti­cu­lier au récit et ren­force sin­gu­liè­re­ment la puis­sance du des­sin tant pour les per­son­nages que pour les décors. Cet album clôt ainsi une série riche en qua­li­tés nar­ra­tives et graphiques.

serge per­raud

Arnaud Le Gouëf­flec (scé­na­rio) & Domi­nique Ber­tail (des­sin et cou­leurs directes), Mondo Ren­verso – t.02 : La Bonne, La Brute et la Truande, Fluide Gla­cial, sep­tembre 2019, 96 p. –16,90 €.

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