Si le titre est transparent, le cadre l’est moins, bien que l’intitulé du second tome soit porteur de beaux indices. Les auteurs inversent les relations entre les sexes, donnant aux femmes, par un matriarcat musclé, les rênes de leur vie et aux hommes la dépendance par rapport à elles. Mais pour être encore plus parodique, ils retiennent le milieu traditionnellement très masculin (à quelques exceptions près) du western.
Cornelia est une desperadette sans foi ni loi, Lindbergh est un jeune ingénu. Ils s’aiment, malgré, leurs différences, d’un amour fou. Cornelia est poursuivie par Hatchet, une chasseuse de primes. Celle-ci va abuser d’une boisson magique qui la transforme en un gros bonhomme au sexe démesuré.
À l’issue des aventures vécues dans le premier tome (Fluide Glacial – 2018 : Cornelia et Lindbergh), les deux héros se sont rangés et ont fait deux enfants. Cornelia est devenue la shérife de la bourgade. C’est en tant que telle qu’elle doit se lancer dans une nouvelle aventure pour retrouver un garçon enlevé par des membres d’un cirque de Freaks. Elle s’engage sur la piste des ravisseurs. Mais cette décision met en colère Lindbergh qui ne tolère plus sa situation d’homme à la maison pour garder les gosses. Il s’élance sur les traces de son épouse. Pour intégrer la troupe, celle-ci se déguise en femme à barbe et part en tournée au Mexique…
Le scénariste s’en donne à cœur-joie et reprend des situations, des réflexions relatives aux oppositions entre femmes et hommes et les inverse. Il évoque ainsi, pour expliquer la disparition du garçon, la traite des blancs, dénonce le fait que le moyen de locomotion le moins performant reste à celui qui n’a que les gosses à emmener à l’école. Même Dieu est féminisé dans un des jurons préféré de Lindbergh : “Bordelle de nom de dieue !!“
Arnaud Le Gouëfflec place une large part de son récit au cœur du folklore mexicain, fait couler à flots le peyotl, le mezcal, transforme le Baron samedi, une figure du vaudou, en Baronne Samedi, une desperadette qui possède un harem. Il intègre des références de toutes natures comme Myrtille, le prénom de leur fille, un terme qui n’est pas sans rappeler un fameux officier.
Avec une galerie de personnages tous plus cocasses les uns que les autres, Le Gouëfflec déroule un road-movie ardent. Cependant, derrière ce qui peut sembler, par moments, une grosse farce, pointe l’interrogation sur les rapports réels que les femmes et les hommes entretiennent, car ces clichés que les auteurs se régalent à détourner sont bien le reflet d’une consternante réalité.
Dominique Bertail assure un dessin et une mise en couleurs toujours aussi efficace et dynamique. Les nombreuses scènes d’action font merveille. Le choix d’une couleur sépia donne un caractère très particulier au récit et renforce singulièrement la puissance du dessin tant pour les personnages que pour les décors. Cet album clôt ainsi une série riche en qualités narratives et graphiques.
serge perraud
Arnaud Le Gouëfflec (scénario) & Dominique Bertail (dessin et couleurs directes), Mondo Renverso – t.02 : La Bonne, La Brute et la Truande, Fluide Glacial, septembre 2019, 96 p. –16,90 €.