Autodidacte total mais bénéficiant de l’appui du poète Salvatore Quasimodo, Luigi di Ruscio est une sorte de voyou littéraire qui se moque de la langue et la maltraite dans sa rage de vivre et de dire. Natif des Marches, fils de prolétaires, il vit d’abord de petits métiers. Il publie à 23 ans son premier recueil où il pleure la mort de Staline… Nul n’est parfait et il est communiste depuis l’âge de 15 ans.
Quittant l’Italie pour Oslo, il travaille pendant quarante ans dans une usine de clous. Il restera pauvre toute sa vie et publiera dix recueils et son autobiographie en trois tomes : Christs pulvérisés est l’un deux.
L’auteur s’y décrit “soussigné coincé sur la plage du peuple d’un village de 3000 âmes” avant de s’orienter plus tard vers le métier improbable de “vendeur ambulant et à domicile de crucifix plus ou moins pulvérisés”… A partir de là, De Ruscio reconstruit sa jeunesse et ses dédales dans un italien dialectal revendiqué comme tel au même titre que ses fautes d’orthographe.
Cette écriture jamais sous contrôle déborde de vie, déborde dans une croissance organique et bien des digressions.
L’ensemble est souvent éblouissant et lyrique. L’écriture a pour objet de “clouer le réel comme on a cloué le Christ”.
Chez de Ruscio comme chez Pasolini, cette figure devient d’une certaine façon le prolégomène de la lutte des classes dans une épopée du quotidien.
jean-paul gavard-perret
Luigi Di Ruscio, Christ pulvérisés, traduction de Muriel Morelli, Anarchasis Editions, Toulouse, 2019, 352 p. — 23,00 €.