La Préhistoire par le regard d’une petite fille
Depuis la série mythique des Rahan, la Préhistoire a toujours été présente comme cadre de quelques séries. Mais Silex and the City (Dargaud), FRNCK (Dupuis) ont redonné envie aux scénaristes de revisiter cette période de façon humoristique, tel un miroir de notre époque, fustigeant les travers de notre société.
Au creux d’une vallée, le jeu des enfants, un mikado avec des os, est interrompu par le son d’une corne. Il annonce le retour de Smilodon, le grand chasseur, le chef de la petite tribu. Sa fille et son fils se réjouissent. Ses épouses, Grouze de Bruyère et Râle de Printemps se précipitent vers l’homme alors que Goana reste plus distante. Cette dernière est la mère de Mumu, comme l’appelle son père qui ajoute La Bâtarde, bien que la fillette déteste ce surnom. Survient Koudou, sorte de chaman, qui rappelle à Smilodon ses obligations religieuses, qu’il doit accomplir les rites sacrés pour la déesse.
Mumu vexée, est partie dans la forêt. Pour échapper aux hyènes, pendant la nuit elle s’est réfugiée dans un arbre. Au matin, son petit frère la retrouve. Il est affolé car un gros danger menace le clan. La fillette décide de tous les prévenir mais elle ne peut se faire entendre des adultes, même par son père trop occupé avec la belle Marmotte Fouisseuse…
Des patronymes improbables, des jurons qui utilisent l’existant, composés avec des matières souvent fécales et des animaux repoussants, émaillent les dialogues. L’humour irrévérencieux de Yann fait merveille dans cette époque car il ne recule devant aucune situation pour moquer nos façons de vivre, de se comporter. Il utilise les défauts de nos sociétés qu’il transpose et aménage de façon très amusante.
Il donne à sa petite héroïne la détermination nécessaire pour survivre dans un univers très hostile où les prédateurs de toutes natures sont légions. Mais il la dote, également, d’une candeur et d’une naïveté rafraîchissantes. Il évoque, avec ses personnages, la polygamie, le goût pour la chasse, pour la guerre, pour les beuveries, le chamanisme et les religions naissantes avec, déjà, sans doute, ses intégristes. L’auteur fait du père de Mumu une sorte de benêt, bien bâti certes, mais avec tous les défauts du mâle “dominant”.
Jérôme Lereculey assure un graphisme d’une grande efficacité et d’un beau dynamisme pour illustrer ce monde dont on n’a aucune trace. Les informations sur la faune, sur la flore restent une construction à partir de fragments, d’hypothèses qui se rapprochent certainement de la réalité mais qui restent des probabilités. Il bâtit une belle palette de bestioles à l’aspect peu engageant et offre quelques scènes magnifiques telles que la charge des mammouths, la bataille entre deux clans…
Avec Mumu La Bâtarde, les auteurs proposent un premier tome si attractif qu’on ne peut que souhaiter avoir la suite des aventures de cette délicieuse héroïne très vite.
serge perraud
Yann (scénario), Jérôme Lereculey (dessin) & Usagi (couleurs), Avant – t.01 : Mumu La Bâtarde, Dupuis, mars 2019, 48 p. – 13, 95 €.