Antoine Emaz (1953 — 2019) fut un poète aussi discret qu’important. Il reste de ceux pour qui écrire s’enracine dans un certain nombre de hantises profondes. Allant, comme Beckett, vers un l’effacement pour atteindre l’indicible, sa voix prégnante était capable de retourner à des quelques points d’ancrage qui font l’identité de l’auteur.
La vie pour lui était partout et nulle part — à savoir où on ne l’attend pas. Dans les flaques par exemple qui “laissent poindre un peu de transparence”. Si bien qu’elles ressemblent à un songe qui déborde de vie au creux de l’asphalte.
“Dans son hasard amoureux d’hussard objectif” (comme il l’écrivait), Antoine Emaz a tenté d’atteindre le cristal pur des mots. Il sut créer avec le presque rien et ce qui reste en dessous de l’horizon. Ce qui demande une ascèse particulière. .Elle permet de ne plus concevoir ou percevoir une immédiateté d’apparence mais surtout de saisir ce qui échappe à toute perception.
Au sein d’une dénudation existentielle, la mort des images ouvre chez lui leur “re-montrance ” en donnant une visibilité à l’inconsistance et à sa “caisse claire” un son particulier.
A ce titre, la frugalité et la parcimonie des mots d’Emaz nous manquent déjà. D’autant que l’homme était des plus attachants.
jean-paul gavard– perret