Gordon Zola, Opération Grande Vadrouille

Une superbe farce

Réunis­sant des don­nées his­to­riques authen­tiques comme l’attentat du 21 août 1941, le mar­ché noir flo­ris­sant à cette époque, des élé­ments de fic­tion pui­sés prin­ci­pa­le­ment dans deux films, La Tra­ver­sée de Paris et La Grande Vadrouille, le roman­cier concocte une intrigue fort bien enle­vée. Il ajoute nombre de scènes piquantes de son cru. Il entre­mêle tous ces élé­ments pour en faire une nou­velle his­toire à l’humour impé­tueux.
Si Bour­vil et Louis de Funès, qui ont été les vedettes des deux films, sont pré­sents dans cette fuite après un atten­tat, c’est en rai­son de leur pré­sence sur Paris dans leur jeu­nesse. Gor­don Zola les place au cœur des actions de 1941. Il les entoure de Léon Jam­bier, un per­son­nage joué par Louis de Funès en 1956 dans le film de Claude Autant-Lara où il tient le rôle du char­cu­tier et d’une série de per­son­nages bien cam­pés dont l’essentiel des acti­vi­tés sont rela­tives au sexe ou s’en rap­prochent de très près.

C’est ainsi que Gor­don Zola accouple son char­cu­tier avec une épouse fort volage, lui-même fré­quen­tant assi­dû­ment Pau­lette. Il met en scène des pen­sion­naires de mai­son close tout en intro­dui­sant des faits réels dans le par­cours des deux héros de La Grande Vadrouille.

En ce mois d’août 1941, il règne une cha­leur saha­rienne dans Paris occupé par l’armée alle­mande. Au Renard mus­qué, à Mont­martre, une action d’ampleur se pré­pare. Pierre George, dit Frédo, au nom du Parti, veut com­mettre un atten­tat pour ven­ger deux cama­rades. Alber­tine Bon­plai­sir, une jeune intel­lec­tuelle qui, faute de mieux, a adhéré au Parti, ergote quant à la posi­tion de celui-ci par rap­port au pacte entre Sta­line et Hit­ler.
André Raim­bourg, alors chan­son­nier sous le pseu­do­nyme de Andrel, cherche un per­son­nage pour sor­tir de l’impasse pro­fes­sion­nelle où il se trouve. Il habite au 45, rue Poli­veau, dans un loge­ment appar­te­nant à Léon Jam­bier. En sor­tant, dans la cour, il salue Gabin Gran­gil, un artiste peintre à la renom­mée mon­tante. Avant de se rendre au caba­ret où il se pro­duit, il passe rue du Four pour goû­ter aux délices de Capoue Chez Lulu Panard.
Louis de Funès a vingt-sept ans et sa car­rière de four­reur s’arrête, son tra­vail n’étant pas payé. Paral­lè­le­ment, il est pia­niste au Comme un che­veu sur la soupe, un caba­ret tenu par un des­cen­dant du grand Vat­tel. Il habite éga­le­ment 45, rue Poli­veau.
Pierre-Georges, dans la sta­tion de métro Barbès-Rochechouart, abat un offi­cier alle­mand. Avec Gil­bert Bru­shing, son com­plice, ils se cachent dans la planque trou­vée par Alber­tine, chez Pau­lette Escart dite mam’zelle Popol, pre­mière main chez Lulu Panard. Elle loge 45, rue Poli­veau. Aussi, quand une vieille dame trouve Gabin Gran­gil un cou­teau planté dans le dos, la situa­tion devient cri­tique pour les deux résis­tants. Elle l’est aussi pour André parce que le cou­teau est le sien, et pour De Funès entraîné par une rela­tion reli­gieuse. Ils sont cinq à devoir fuir, emprun­ter un réseau qui…

Le récit de G. Zola est une suc­ces­sion de bons mots, de jeux avec le voca­bu­laire, de rap­pro­che­ments syn­taxiques, d’associations de termes, d’expressions de second degré, de double sens… Un fes­ti­val qui démontre la richesse de la langue fran­çaise, la culture du roman­cier et sa capa­cité à jouer avec les expres­sions, inven­ter avec la place des mots des situa­tions clow­nesques.
Il brosse des por­traits, criants de vérité, de per­son­nages his­to­riques connus ou moins connus. Il décrit ainsi Fran­çois Vatel, Charles Maur­ras, Néron et Cras­sus, donne une ascen­dance pit­to­resque à Jam­bier, rap­pelle les par­cours de Bour­vil, Louis de Funès… Il signe des scènes presque d’anthologie comme celle du choix du pseu­do­nyme de Pierre Georges.

Avec Opé­ra­tion Grande Vadrouille, Gor­don Zola donne un roman au ton réso­lu­ment rabe­lai­sien, voire gri­vois où l’on s’amuse, on rit à suivre les par­cours ori­gi­naux des per­son­nages de cette gale­rie, ô com­bien !, haute en couleur.

serge per­raud

Gor­don Zola, Opé­ra­tion Grande Vadrouille, Le Léo­pard Mas­qué, jan­vier 2019, 200 p. – 18,00 €.

1 Comment

Filed under Inclassables, Romans

One Response to Gordon Zola, Opération Grande Vadrouille

  1. Labadie Jean-Yves

    Je suis en train de lire ce livre et je dois dire qu’il ne démé­rite pas. Loin de là.

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