Yann et Félix Meynet (voyez le clin d’œil du scénariste avec les prénoms) voulaient poursuivre leur collaboration après Les Éternels (Sept tomes – Dargaud). Le dessinateur-coloriste souhaitait mettre son talent au service de récits épiques, historiques, avec uniformes chatoyants ou non, charges de cavalerie, poussière, violence, belles aventurières… Yann lui a concocté un récit répondant à ces envies, plantant le cadre dans le Mexique des années 1860 quand Napoléon III avait des envies de conquêtes.
Si les trois premiers tomes évoquaient le sombre complot qui avait amené le doux Félix de Castelbajac à s’engager dans cette armée loin de la France, ce second cycle, en deux tomes, s’articule autour de l’évolution du héros et du parcours périlleux de la jeune Esmeralda amoureuse du beau capitaine.
En 1866, quelque part dans les Terres chaudes du Michoacán, l’escadron du capitaine Michel-Alois Ney d’Elchingen aurait été en fâcheuse posture sans l’arrivée de Félix de Castelbajac et ses chasseurs d’Afrique. Ceux-ci ont fait des prisonniers parmi les rebelles. Félix apprend que les captifs, depuis le Décret noir de l’empereur Maximilien contresigné par le maréchal Bazaine, sont passés par les armes. Félix ordonne leur exécution. Comment a-t-il changé à ce point ?
Quelques mois plus tôt, à Mexico, Félix est témoin de la dispute entre Dupin et Bazaine, une dispute qui amène ce dernier à démettre le premier de ses fonctions et à le renvoyer en France. Toutefois, l’irruption d’Esmeralda et de ses deux chiens irrite le maréchal au point qu’il décide de confier la jeune fille à une congrégation de Carmélites. Alors qu’elle clame son amour pour Félix, elle est emmenée de force. Celui-ci demande à être muté en première ligne. Il se retrouve à la tête du premier régiment de chasseurs d’Afrique avec pour mission de rétablir l’ordre dans le Sinaloa tenu par le général libéral Corona…
Si le tendre Félix apprend, sur les tas, les abjections humaines, la fougueuse fillette est en butte à une éducation sévère, à la maltraitance de ses compagnes d’infortune, ayant autant à craindre des autres pensionnaires que des religieuses. Alternant le parcours de l’un et de l’autre, le scénariste fait vivre l’évolution de ses deux héros. Il donne une dimension tangible, concrète à cette guerre, loin des épisodes héroïques, montrant la haine, la rage, la cruauté.
Felix Meynet se régale et régale ses lecteurs de planches aux couleurs vives, de scènes dynamiques, mettant en images la violence qui règne dans les territoires mexicains et dans les couvents. Son dessin précis, réaliste fait merveille pour illustrer ce western à la française.
Avec Esmeralda, ce tome 4, les auteurs donnent un récit violent, une véritable image de la guerre quelle qu’elle soit, quel qu’en soit le décor et ce qui se passait (se passe encore ?) dans ces lieux clos, ces prisons quel que soit le nom qu’elles portent. Un bel album au scénario solide et à la mise en images superbe malgré le contexte.
serge perraud
Yann (scénario) & Félix Meynet (dessin et couleurs), Sauvage – t.04 : Esmeralda, Casterman, novembre 2018, 48 p. – 13, 95 €.