Une aventure inconnue du Comte de Champignac
Cette nouvelle série a pour héros l’emblématique Pacôme, Hégésippe, Adélard, Ladislas, Comte de Champignac, ce personnage de savant distrait que l’on croise tout au long des Aventures de Spirou et Fantasio. Les intrigues vont se dérouler autour de découvertes auxquelles il va participer, d’inventions qu’il va mettre au point.
Ce premier volume s’appuie sur Enigma, la machine de codage utilisée par les armées nazies lors de la Seconde Guerre mondiale, et qu’un département des Services Secrets anglais va s’ingénier à décrypter.
C’est à Berlin en 1938, qu’Hitler donne son accord pour l’utilisation de la machine Enigma, mise au point par un chercheur allemand, à partir des travaux menés dès 1919 par le Néerlandais Hugo Koch. En juin 1940, bien que la Belgique ait été envahie, Pacôme travaille dans son château sur les propriétés d’un champignon pendant que Nicolette, son employée de maison, assure l’intendance. Il reçoit, par porteur, un message codé qu’il s’empresse de décrypter. Le professeur Black lui demande de le rejoindre au plus vite en Angleterre. C’est très important.
Alors qu’il part, le général Kurriwurst vient prendre possession de son château pour en faire son QG. C’est en s’échappant que Pacôme découvre les capacités étonnantes de son champignon. De message, en message il arrive sur les lieux, rencontre, en chemin une jeune écossaise du nom de Blair Mackenzie. Black, qui les accueille, explique qu’ils ont été recrutés pour travailler avec toute une équipe, réunie autour d’Alan Turing, pour casser le code Enigma…
BEKA, le nom du scénariste cache, en fait deux personnes : Caroline Roque et Bertrand Escaich. Ensemble, ils construisent, à partir de faits authentiques, une histoire dans laquelle ils intègrent le comte de Champignac, alors jeune homme et une jeune femme. Effectivement dans l’équipe, une jeune personne avait été recrutée par le biais d’un concours de mots croisés. Ils détaillent de façon fort didactique les principes du codage, les systèmes les plus couramment utilisés et le travail mené dans les années 1940 par Alan Turing et son équipe. Ils donnent le fonctionnement de cette machine, qui s’avère être l’ancêtre des ordinateurs.
C’est passionnant, d’une belle lisibilité et donne envie d’en savoir plus sur tous les modes de codifications imaginées par l’homme depuis que celui-ci sait écrire. Ils mêlent une histoire sentimentale agréable à suivre, mettent en scène Churchill et un certain Ian Fleming qui deviendra moins célèbre que son héros.
On ne peut s’empêcher de penser à Imitation Game, ce remarquable film sur le même sujet avec Benedict Cumberbacht dans le rôle d’Alan Turing. Ce dernier, par sa réussite à craquer le code a, selon des estimations d’historiens, sauvé 14 millions de vie et écourté la guerre de deux ans. Malgré cela, il fut victime de la stupidité, de la bêtise, de la connerie humaine et se suicida en 1954.
David Etien assure le graphisme aidé de Clémentine Guivarc’h pour la mise en couleurs. Son dessin semi-réaliste est de la plus belle facture. Ses personnages, bien typés, bien campés, restent identifiables tout au long des soixante-deux planches. Ses croquis pour visualiser les explications relatives à tout ce qui est code et fonctionnement d’Enigma sont parlants. Si les décors sont assez neutres, comme le veut le cadre de l’histoire, il réalise de très belles vignettes quand le scénario lui en donne l’occasion. Les regards de ses personnages sont remarquables et ceux de son héroïne sont craquants.
Enigma, une étonnante aventure scientifique du Comte de Champignac séduit par sa nature et par un traitement tant scénaristique que graphique fort réussi.
serge perraud
BEKA (scénario), David Etien (dessin et couleurs), Clémentine Guivarc’h (assistance couleurs), Champignac – Enigma, Dupuis, janvier 2019, 64 p. – 14,50 €.