Le film est l’histoire du quotidien d’un perdant qui transforme son échec en une magnificence imprévue. Un changement intervient dans sa vie et dans le film presque à mi-parcours. La narration devient une fable profonde et dépressive (mais drôle) et touche à une tonalité étrange. Au bout de quarante minutes, elle paraît — et pour cause — déroutante : n’y demeurent au monde que la dernière femme suffisamment blessée pour ne pas désirer le repeupler et le dernier homme héros d’une telle aventure.
Le film touche par son ironie douce et les hypothèses qu’il ouvre. Au cauchemar d’actualité cruelle (et drôle) fait place un rêve à ellipses dans les à-côtés de l’existence. Passant de Berlin au sud de l’Allemagne (pour les derniers moments de la grand-mère du héros), le film bascule ensuite sur un monde post-apocalyptique. Il n’est pourtant ni une dystopie ni une romance.
Ulrich Kölher joue du réalisme absolu jamais ennuyeux (même dans l’épisode de la mort de la grand-mère) avant de plonger en une nouvelle version de Robinson Crusoé. Accompagné de sa nouvelle Vendredi, il reverdit avec un charme attachant lorsque le looser bedonnant se transforme en un personnage plus body-buildé.
Celui qui a raté son boulot de cameraman, une fois son ancêtre disparue, pose la question de l’identité flottante. Le réalisme change de décor : tout est bouleversé mais rien ne bouge sinon une mise à nu de ce qui pourrait devenir une société de survivance jusqu’à l’épisode dérisoirement génial dans un vidéo-club improbable.
Le réalisateur montre que ce que nous laissons en héritage n’est pas terrible. Mais à l’aigreur fait place une sorte de liberté lorsqu’un corps est plongé de force dans un monde inédit.
Demeurent le dernier homme et la dernière femme en leurs errances. Le premier n’oublie pas de croquer la pomme.
Tout est donc prêt à recommencer. Ou presque…
jean-paul gavard-perret
In my room
De : Ulrich Köhler
Avec : Hans Löw, Elena Radonicich, Michael Wittenborn
Genres : Drame, Science fiction
Janvier 2019
Durée : 2H00 mn
Synopsis :
Armin vogue d’échecs professionnels en déceptions sentimentales. Il n’est pas vraiment heureux, mais ne peut pas s’imaginer vivre autrement. Un matin il se réveille : si le monde semble inchangé, tous les êtres humains se sont volatilisés. Robinson Crusoé des temps modernes, Armin prend alors un nouveau départ. Cette liberté totale lui donne des ailes, mais tout ne se passe pas comme prévu…