Pentcho Slaveïkov, Hétéronymes

Un clas­sique très moderne

Si vous n’avez jamais entendu par­ler de Pent­cho Sla­veï­kov (1866–1912), il n’y a rien d’étonnant à cela : aucun livre de ce clas­sique de la lit­té­ra­ture bul­gare n’avait paru en fran­çais jusqu’à pré­sent. On se demande pour­quoi, en lisant ce recueil dont la pré­face nous apprend, entre autres, que Sla­veï­kov a été le pre­mier poète moderne à créer des hété­ro­nymes (avant Fer­nando Pes­soa) et qu’il avait une noto­riété inter­na­tio­nale suf­fi­sante pour être pres­senti pour le prix Nobel, avant sa mort pré­ma­tu­rée.
Ce recueil offre un choix de poèmes conçu pour don­ner une idée de la vaste palette de l’auteur. Il y a là des textes d’inspiration his­to­rique, de tona­lité grave, des vers quasi humo­ris­tiques, des impres­sions mélan­co­liques, des évo­ca­tions de pay­sages et – bien sûr – des hymnes à l’amour.

Certains hété­ro­nymes de Sla­veï­kov se contre­disent car­ré­ment, comme Sta­men Ros­sita (“J’aime“, p. 21), qui semble s’inspirer de Nietzsche, et Tchev­dar Podroumt­ché (“Le moine malade“, p. 23), à l’esprit mys­tique ; d’autres font res­sor­tir tan­tôt la culture clas­sique du poète, tan­tôt sa moder­nité.
Dans tous les cas, Sla­veï­kov appa­raît pro­fon­dé­ment ori­gi­nal et nova­teur, qu’il s’exprime en vers libres ou dans une métrique régu­lière et en rimant. Le recueil séduit, en outre, par le mélange de déli­ca­tesse et de vigueur qui carac­té­rise son écriture.

Certains vers semblent faits pour s’imprimer dans la mémoire du lec­teur, telle la fin de “Nomades“ : “L’insouciance des sans-terre / rend plus léger le che­min de la vie“ (p. 34) ou la seconde strophe d’un poème sans titre : “Ne demande pas quelle peine / se mire dans son regard. / Aujourd’hui est mort en lui / jusqu’à son der­nier espoir.“ (p. 61).
D’autres textes cap­tivent par des varia­tions quasi musi­cales ou par leur souffle épique – la puis­sance du poème signé Vidoul Fine­gar, “Au mont Chipka“ (p. 31) est impressionnante.

En somme, ce livre vous fera décou­vrir un uni­vers poé­tique de pre­mière gran­deur, et vous fera regret­ter de n’avoir pas sous la main une tra­duc­tion de Sla­veï­kov bien plus copieuse. Espé­rons que ce n’est que le début des publi­ca­tions de cet auteur en France. On féli­cite la tra­duc­trice et les édi­tions du Cygne pour la qua­lité de leur travail.

agathe de lastyns

Pent­cho Sla­veï­kov, Hété­ro­nymes, tra­duit du bul­gare et pré­facé par Denitza Bant­cheva, éd. du Cygne, jan­vier 2019, 70 p. – 12,00 €.

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