L’implicite de la fausse évidence
Mélanie Manchot, même lorsqu’elle aborde le nu, ne se fait jamais complaisante. Qu’elle saisisse des paysages ou des portraits, elle propose un découpage afin de faire bouger les lignes. Et ces séries d’apparitions sont autant de débordements du “cadre”. Existent en conséquence des mises en abymes par divers effets de pans et de prises et selon des pertes incessantes de repères aussi géographiques que sémantiques.
L’artiste fait appel autant à l’intelligence qu’à l’émotion du regardeur. Il s’agit de comprendre lorsque nous éprouvons parfois une béatitude face à l’immense, parfois un repli sur l’intimité. Chaque prise marque un passage. ll fonde le langage et son lieu entre certitude et précaire assurance. Souvent, l’image reste énigmatique, elle semble l’image implicitement programmée sans que la solution d’interprétation soit perceptible.
Face au réel, Melanie Manchot propose d’autres courants. Le chaos prend parfois la forme d’un rectangle céleste là où une montagne se dresse. Elle n’est pas préhensible pour autant. Au contraire. Au mieux, elle permet non d’explorer le monde mais celui de l’alphabet de l’image. Tout navigue entre carnet de l’intime et alphabet cosmique.
Dès lors, le seuil n’est pas ce que nous croyons : nous n’entrons pas dans l’image, nous la devenons telle une mariée de Duchamp descendant l’escalier même si nous restons sur ce seuil qui n’en est pas vraiment un.
La seule manière de toucher à l’extase du sens est non de s’enfermer dans la clôture du monde mais dans celle de l’image. C’est peu dirons certains. Mais nous pourrions nous contenter de moins.
jean-paul gavard-perret
Mélanie Manchot, Propositions, Chelouche Gallery, Tel-Aviv, 2018.
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