Stéphane Sangral, Là où la nuit / tombe

À tom­beau ouvert

Ce livre est celui du temps. Non, comme le rap­pelle Salah Sté­tié dans sa pré­face, « celui du temps qui tremble au cadran du banal bracelet-montre mais celui du temps du temps ». Ici, il s’ouvre par ce qu’en dit la langue en ses tra­ver­sées de désir. Du moins lorsqu’il tente de sor­tir de ses « gluantes masses céré­brales » pour s’en libé­rer même si San­gral sait com­bien cette lutte est vaine.
Le poids et la force de nos rien sont trop lourds et puis­sants dans la nasse de notre être si bien que ce der­nier se perd en dépit de ses courses folles dans l’immobilité et ses déserts d’ennui – preuve que toute pas­sion humaine n’est que pas­si­vité. Et si le mal existe, il n’a rien à voir avec la morale : il s’appelle le temps. Et c’est parce qu’il crée une rivière de pro­blèmes que les poèmes tentent de pro­po­ser des bar­rages afin que le monde comme l’être ne cessent pas d’exister.

L’objec­tif est pro­mé­théen mais reste le moyen de sor­tir de la nuit qui est « tom­bée dans un livre ». Cette nuit nous empêche de vivre, dans l’obscurité nous pré­fé­rons – et c’est un comble – nous regar­der nous contem­pler. Mais sor­tant de la dupe­rie des textes miroirs, San­gral ouvre le « je », le tranche pour qu’il ose affron­ter le risque d’être encore en vie et envie sur sa nef des fous. Celle qui glisse sur l’abîme mais que seuls les « bri­seurs de rêve » tentent de sabor­der.
Face à ce que nous nom­me­rons l’ « ogre­rie » humaine, il est temps de don­ner au temps moins de nuit que de soleil « pour y chier jusqu’à l’horizon son angoisse ». Le poète trans­forme en consé­quence le monde et ses repré­sen­ta­tions. Là où une boucle se boucle au moment où la fin est le début. Et l’auteur à soin de le sou­li­gner par un texte manuscrit.

Voilà un tour de magie ou d’espoir pour ren­ver­ser le fini dans l’infini selon un cal­cul cos­mique propre à don­ner à l’être une dimen­sion qu’il a per­due. A cela une rai­son majeure : la sur­puis­sance d’un ego qui se contente d’être le peu qu’il est et que trop sou­vent la poé­sie clas­sique se contente d’entretenir, comme un vieux ban­quier de la HSBC le fait de sa danseuse.

jean-paul gavard-perret

Sté­phane San­gral, Là où la nuit / tombe, Gali­lée, Paris, 2018,  110 p. — 12,00 €.

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