Jaime de Angulo, Le Lasso & autres écrits

Civi­li­sa­tions

Né à Paris de parents espa­gnols en 1887, Jaime de Angulo est un anar­chiste à sa manière. Il quitte sa famille où il étouffe et part pour les États-Unis afin de deve­nir cow-boy et s’installe à San Fran­cisco la veille du trem­ble­ment de terre. Il étu­die paral­lè­le­ment la méde­cine et com­mence à s’intéresser à l’anthropologie et aux études amé­rin­diennes. Il tente de se sui­ci­der en se tran­chant la gorge avant de deve­nir un lin­guiste, l’un des pre­miers à aller à la ren­contre des Indiens et de leurs langues.
Il habite à Big Sur et devient l’ami du poète Robin­son Jef­fers. Il publie des textes (fic­tions, essais) dans divers pério­diques et revues lit­té­raires dès 1920. En dehors de ses écrits scien­ti­fiques, il pos­sède le goût pour les nar­ra­tions mélo­dra­ma­tiques (du moins en appa­rence). Refu­sant le terme de rebelle, il reste un indé­pen­dant, un homme libre, pas­sionné et mar­gi­nal aussi bien auprès des uni­ver­si­taires que des Indiens.

Le Lasso et autres récits  per­met d’entrer dans la par­tie la plus ima­gi­na­tive de son œuvre : celle (mais pas seule­ment) des contes qu’il déve­loppe à la manière d’un genre par­ti­cu­lier : celui des « coyote tales « des tri­bus nord-américaines. S’y déve­loppe une vision du  monde au nom de laquelle Ezra Pound – avec qui il eut une cor­res­pon­dance impor­tante – le défi­nit comme « l’Ovide amé­ri­cain ». Mais l’auteur comme l’homme est sou­vent seul et sin­gu­lier et pris pour un « out­law » du côté de Car­mel.
D’où la fas­ci­na­tion de ces textes qui vont de l’Europe aux USA et semblent aller dans tous les sens et où — comme il l’écrit à Pound — « la pen­sée méta­lo­gique est tout aussi valide que la pen­sée logique ». En de tels textes, nous sommes dans un mou­ve­ment de vie. Lequel implique la pen­sée et le corps, l’histoire et son déploie­ment hors nar­ra­tion officielle.

Dans ces fic­tions, essais et poèmes, l’écriture — qui est pour Angulo  une sorte de maté­ria­lité — fait l’histoire et his­toire. L’œuvre est sans cesse en marche et enga­gée. L’auteur dit mobi­li­ser son corps et son action en de tels textes où les contextes sen­ti­men­taux, reli­gieux, etc. trouvent un nou­veau céré­mo­niel– là où les monstres et les sen­ti­ments du mys­tère accordent aux per­son­nages une psy­cho­lo­gie par­ti­cu­lière des per­son­nages.
Cette mise en abyme de la psy­ché rap­pro­chait l’écrivain de la psy­cha­na­lyse. A la fois celle des don­nées immé­diates de l’inconscient et celle de la vision laca­nienne du sacré et de ses pou­voirs spi­ri­tuels de « tam­bours céré­mo­niels». Ils rap­pellent que nous sommes entou­rés plus de morts que de vivants. Il y a donc beau­coup a tirer de leur héri­tage et entre autres ce que la pen­sée spé­ciste veut ignorer.

jean-paul gavard-perret

Jaime de Angulo, Le Lasso & autres écrits, tra­duc­tion de Mar­tin Richet, Edi­tions Héros-Limite, Genève, 206 p., 18 E., 2018.

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