Il y a du monstrueux chez Paula Rego. C’est du Balthus moins le rêve – même si l’artiste anglaise d’origine portugaise fut illustratrice de contes (mais un peu comme Doré le fut). Les corps sont lourds de sensualité au besoin perverse même si rien n’est véritablement précisé sauf à changer l’humanité en animalité. Et l’artiste ne s’en prive pas.
Pour elle, à l’origine de la sensualité il y a le dessin. La transgression demeure aussi omniprésente que rampante, dense mais légère, épaisse et aérée. Existe un indéniable langage plus qu’un simple style chez celle qui étudia au côté de Bacon, Richter et Hockney. Elle développe un réaliste merveilleux ou hideux qui peut être pris sans peine pour une monstruosité revendiquée comme telle.
Ses pastels et ses acryliques avancent un couteau entre les cuisses. Paula Rego ne craint donc jamais les dérapages plastiques surtout lorsqu’elle devient complice de l’impensable. Ce qui est souvent le cas. Mais ce qu’on retient reste sa liberté, son indépendance. Le créatrice avance hors des normes esthétiques des époques qu’elle traverse. Ce qui n’alla pas parfois pour elle sans périodes de disette financière.
La narration des œuvres ne peut se dissocier de la forme. Elle crée ses labyrinthes et les vicissitudes de celles et ceux qui peuplent ce bestiaire humain où, de fait, chaque personnage exprime à la fois l’histoire d’une solitude et d’un appel à l’autre. Les figures demeurent des matériaux d’écriture et surtout des exercices d’admiration ou de répulsion – chacun peut les « lire » à sa guise.
Certes, peu à peu l’artiste vieillit mais garde son indignité griffue et hybride. Cette propension savoureuse fomente de mauvaises pensées qui la et nous font avancer vers qui s’ignore encore.
jean-paul gavard-perret
Cécile Debray & al=l. , Les contes cruels de Paula Rego, Editions Musée d’Orsay & Flammarion, 2018, 208 p. — 33,00 €.