Claudia Brutus, Des tropiques aux autres mondes (exposition)

Le ber­ceau du monde

Clau­dia Bru­tus ins­crit des lignes de résis­tance contre les divers pro­ces­sus d’unification autant de l’art que des êtres. Elle refuse une forme d’unicité et de déter­ri­to­ria­li­sa­tion de pra­tiques plas­tiques qui deviennent la machine de guerre de la mon­dia­li­sa­tion artis­tique. Face aux ins­tances glo­bales elle pour­suit son che­min, libre et déga­gée du poids des ins­ti­tu­tions. Elle en paie le prix. D’autant que ses créa­tions gardent un mys­tère et une fas­ci­na­tion. L’artiste nous fait péné­trer un monde pre­mier, mélan­co­lique sans doute mais plein de fraî­cheur.
Elle se concentre sur le va-et-vient d’un monde à l’autre, d’un conti­nent à l’autre.  Le regard s’enfonce là où la nature garde un air de fête mais où le monde est traité avec gra­vité et recueille­ment. Existe au delà des théo­ries esthético-politiques un retour non seule­ment à une nature pre­mière mais un appel au réveil des consciences face aux défis que le monde et ses maîtres doivent rele­ver. Au moment où les oiseaux en Europe sont pous­sés au silence et à la dis­pa­ri­tion, l’artiste ramène à un uni­vers où le regar­deur peut entendre des trilles merveilleux.

L’artiste redouble de vir­tuo­sité pour ouvrir à un monde perdu avant que le nôtre nous tombe sur la tête. A l’indignation « mora­liste », Clau­dia Bru­tus pré­fère la poé­sie. Elle  nous plonge en une étran­geté qui rap­proche son uni­vers intime du nôtre sans cher­cher à don­ner des expli­ca­tions, à déplier des rai­sons. La poé­sie des formes et des cou­leurs emboîte vers une autre vision.
Une telle oeuvre pro­pose ce que nous avons perdu. Au nom du père, Clau­dia Bru­tus se penche sur le ber­ceau du monde en lais­sant appa­raître ceux que l’on méprise et prend pour de petits avor­tons. Loin des marbres mor­ti­fères, elle offre une forêt vierge où existent des fleurs qui gué­rissent de tout. De leur chair jaillissent des irrup­tions d’amour humain.

Une avan­cée a lieu. Elle illu­mine sous les pluie des tro­piques ou des déserts lumi­neux, des lieux para­di­siaques. Sont-ils déjà per­dus où peuvent-ils sor­tir de l’ombre comme une fourmi dans la neige ou un coléo­ptère sur les feuilles de bana­niers ?  Avant que l’avion du monde s’écrase, l’artiste semble lan­cer « rele­vez vos fau­teuils, rabat­tez les tablettes ». Le dan­ger est là mais la créa­trice veut sau­ver l’avion par ses visions. Elles res­tent notre seul espoir et le désir de durer.

jean-paul gavard-perret

Clau­dia Bru­tus, Des tro­piques aux autres mondes, Espace Saint Mar­tin, Paris,  novembre 2018 (exposition).

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