En janvier 1638, Richelieu, le Grand Satrape, paraphe deux lettres qu’il range dans un tiroir secret. En juin 1669, le marquis de Louvois demande de saisir un homme, de le couvrir d’un masque avec une fermeture de fer et de l’emmener jusqu’au fort de Pignerol. En septembre de la même année, alors que Louis Fronsac dîne en famille, avec des proches, dans son château de Mercy, on lui annonce l’arrivée de Lucrèce de Forbin-Soliès. Elle vient solliciter Louis pour accomplir une promesse faite à un mourant. Louis de Vendôme est décédé dans ses bras mais il lui a demandé de retrouver et faire libérer son frère, le duc de Beaufort. Celui-ci ne serait pas mort face aux Turcs à la bataille de Candy (devenue Héraklion) comme le raconte la rumeur populaire. Il aurait été fait prisonnier, puis racheté pour être caché, selon Verrazzano, un marin qui lui était attaché, au fort de Pignerol là où est enfermé également le surintendant Fouquet.
Au château de Chantilly, la princesse de Condé surprend une information qui la désespère. Louis Fronsac, qui a accepté la mission, commence à interroger les proches de Fouquet pour essayer d’avoir des informations sur le mystérieux prisonnier. Mais, à chaque fois, son interlocuteur reste discret ou le met en garde, l’affaire est si dangereuse. Et, quand le majordome de la princesse est retrouvé assassiné sur le domaine de Louis, le danger se fait plus pressant. Mais, c’est Condé lui-même qui va demander à Fronsac de s’intéresser aux prisonniers de Pignerol.…
On retrouve l’ancien notaire lancé dans une nouvelle enquête qui s’avère diablement dangereuse car il s’agit de percer un des secrets les mieux gardés du règne de Louis XIV — devenu en 1669, âgé de 31 ans, le monarque absolu qui régnera par la terreur jusqu’en 1715. Et celui-ci est prêt à tout pour le préserver Le romancier réunit à nouveau une belle galerie de personnages dont nombre été croisés lors des précédentes affaires démêlées par Louis Fronsac.
Son héros, qui a commencé comme simple notaire, a pu, en résolvant nombre d’affaires délicates touchant des puissants, rendre des services et devenir, ainsi, anobli par le roi, le marquis de Vivonne et le seigneur de Mercy. Il possède un domaine qui, s’il a eu du mal à le sauvegarder et le développer, est devenu avec sa nouvelle fortune, une fort belle demeure avec la domesticité suffisante pour un entretien correct.
Dans son récit, Jean d’Aillon fait revivre nombre de personnages authentiques. Il en dresse un portrait sans fards, les décrivant tels que l’histoire réelle les a campés avec leurs qualités, leurs défauts, leurs actes de bravoure et les nombreuses vilenies dans lesquelles ils ont trempés. Toujours très documentés, ses romans sont aussi une belle page d’histoire, démontrant que rien ne change quand l’humain est ambitieux, arriviste, dénoué de tous scrupules et d’une honnête minimale.
L’auteur donne de Colbert une image bien éloigné de l’histoire officielle, mettant en lumière la face noire de l’individu entré dans la légende officielle comme un grand ministre. Mais à quel prix ! Il articule une large part de son intrigue autour de la fameuse prison de Pignerol et d’un de ses illustres occupants, le surintendant Fouquet qui y fut enfermé de 1665 à sa mort en 1680, à 65 ans.
Avec Le dernier secret de Richelieu, Jean d’Aillon conforte son héros dans son rôle d’enquêteur hors-pair côtoyant les grands du royaume, ouvre une belle page d’Histoire même si elle est terrible et donne à lire une aventure passionnante, fourmillante de détails tous plus précis et précieux les uns que les autres.
serge perraud
Jean d’Aillon, Le dernier secret de Richelieu, Éditions 10/18, coll. Grands Détectives, septembre 2018, 456 p. – 8,80 €.