Dans le deuxième volet de sa trilogie, les jambes de la femme sont des appeaux longs. Pour preuve « aux Berthes / le « sentement » mêle / le sentiment à la marche ». C’est la manière d’aller par sauts et gambades, sentes, chemins et en sueur vers de l’hypeauthèse du veau d’or et le Graal des Berthes aux dentelles que, pour une fois, le sacripan en état de caresses soulève à peine. Il ne se fait pas sacristain pour autant mais poète d’un goût nervalien là où la mort et l’amour se mêlent dans un quasi sein suaire. Et si l’auteur et peintre fait toujours parler la nudité du modèle, la solidarité avec l’interdit prend ici de nouveaux chemins de traverse. Il y a là à peine du marivaudage érotique au moment où l’étamine de rien sacre un massage en lieu de place d’un massacre.
Pas ici, chose faite, d’ite missa Est ou Ouest mais un savant dosage dans l’empyrée du milieu. Elle se décline en miellopées presque doucereuses. « Dissimulé sous / Une grande feuille noire » le rampeur caché en lui-même se fait voyeur pour dessiner l’invisible thrène des « filles fleurs de farine » et leurs peaux pierres.
Dès lors, Cauda surprend par sa sagesse : certes, il existe encore des images carnassières et des croupes terreuses. Mais aux fureurs des sauts d’hommes il préfère les sèves d’ornements et à la fureur du diable la peau douce. Le tout en hommage à la Berthe parmi les Berthes qui en fin de livre lui présente sa requête pour une esthétique nouvelle.
Toutefois, un doute reste permis. Cauda a-t-il revêtu une pelisse de goupil pour mordre des gélines ? Ne risque-t-il pas de feindre de chérir pour préparer une volée de bois vert sous madrigal madré ? L’équarrissage du sage n’est-il pas remis à plus tard ? Il faut en effet se méfier du phénoménal peaucier même si avec lui les Berthes prennent un grand pied. Sans sotie de secours, le rondeau a vite fait de tomber à l’eau. Car le barbare barbu reste « le serpent à tête de cheval » qui transforme les histoires de flotte en fandang’O.
jean-paul gavard-perret
Jacques Cauda, Les Berthes, Z4 éditions, 2018, 102 p. — 11,00 €.