Moso devient sous le regard de Kazuma Ogaeri ce qu’il nomme le “japanese next door erotism”. Se retrouvent des rappels de l’esthétique raffinée des films japonais tels que “Shokuzai” de Kurosawa ou le “Labyrinthe des rêves” de Sgo Isghii. Tout un monde éthéré quoique charnel crée aussi des parallèles avec la littérature de Murakami et évoque une nostalgie des rêveries enfantines à l’éveil du corps comme elle apparaît dans certains mangas — par exemple “Mirages d’été” de Kazu Yuzuki.
Les tensions sexuelles de monde sont transformées dans une magie. Au corps soumis et violé font place une fétichisme et une vision plus relaxante et douce. L’artiste y décline toutes les visions de l’érotisme nippon à travers divers standards thématiques de cette iconographie (la jeune fille, la femme, la nature, le train). Mais plus que simple archive, Ogaeri s’approprie de tels horizons dont il possède plus qu’un autre les cartes.
Dans la perfection des prises et de leurs mises en scène, il fait sauter les verrous du regard en offrant sur un plateau un monde en gestation. Les rotondités du monde y tiennent en équilibre subtil. L’occlusion tient lieu d’allusion pour annoncer une historicité de l’art puisque l’éros est suggéré comme un état naissant en ce qui tient — pour une part — de « couveuse ».
Le créateur propose grâce à ses formes impeccables, blanches, fermées ou entrouvertes, une circulation statique par ce que le textile ne recouvre pas forcément (bien au contraire). Et le créateur illustre comment il dialogue avec les images érotiques qui l’entourent et qui ouvrent dans une poétique construite et maîtrisée. L’imaginaire se balade en des invariants auxquels il accorde une diaphanéité et un “jeu” en passant parfois vers des épreuves en négatifs pour brouiller l’attente escomptée.
jean-paul gavard-perret
Kazuma Ogaeri, Moso, Lieutenant Willsdorf Editions, Paris, 2018, 144 p.