L’oeuvre de Michel Lagarde est unique dans l’art du temps. Maître de ses techniques, de ses mises en scène, décors et habits compris, il est le roi de l’irrévérence et se place dans un monde est aussi suranné que dystopique. En effet, l’évocation de passé de tableaux parisiens, caucasiens, etc., empiète sur un futur.
Les photos jouent des lignes, du noir et blanc, de l’ombre et de la lumière et d’effets d’angles afin de créer une théâtralité d’évidence mais de stuc. S’y narrent des histoires fantastiques où l’artiste joue les chasseurs qui trouent l’éternité et montrent aux assassins des chemins. Il gèle souvent à pierre fendre. Parfois, la chaleur est accablante selon les experts. Mais erreur de pronostic quant à sa nature. L’ogre Lagarde brouille les cartes.
Des montagnes étreignent des flammes tandis que le regardeur déduit son présent du passé. Une théorie germe. Un parlement de pucelles célèbre des soldatesques. Leur fougue anime leurs esprits et donne un air de fête. L’étrangeté qui sépare le monde des morts et celui des vivants est bien là. Chaque regardeur tente bien de trouver des explications, de déplier des raisons. Toutefois, elles s’emboîtent loin des êtres sans qu’ils en saisissent le fonctionnement sinon en une image tournante comme tournent un moulin ou les roues d’une machine à vapeur.
C’est pourquoi ici, des forts des halles, des singes et des anges de Lagarde nous redoutons le tonnerre. Il ne faut pas les réveiller. Ils poursuivent leur route en silence dans une esthétique tonitruante, subtile, drôle et saisissante. Le Caravage et Rodchenko eux-mêmes sont abasourdis et sonnés.
jean-paul gavard-perret
Michel Lagarde, Dramagraphies — autoportraits photographiques, Carré Amelot, La Rochelle, 18 setembre au 8 décembres 2018.