Italo Calvino, Le vicomte pourfendu

Les fleurs de l’apocalypse

Pour Italo Cal­vino, « la mai­son de l’être » chère à Bache­lard res­tera ban­cale, caduque, car il n’existe de place que pour le manque et la père-mutation des rôles et des langues. Et il n’y a presque plus d’escalier pour s’envoyer en l’air et res­pi­rer au grand jour. Hanté par la culpa­bi­lité, l’auteur se donne le droit à peu. Sauf, évi­dem­ment, au néces­saire. A savoir l’exercice de l’écriture qu’il avait en lui avant d’avoir appris à par­ler. Il enfreint la loi du silence, du non-dit. Et la nou­velle tra­duc­tion de Rueff lui donne toute sa force.
L’Italien se donna tou­jours le droit d’imaginer le pire mais tout autant de reve­nir au nœud pri­mi­tif. Il le détissa, le délita à tra­vers ses contes en espé­rant que les mots ne meurent jamais — sur­tout ceux qu’on assas­sine par anti­ci­pa­tion et qui appar­tiennent — car mort-nés — aux limbes. C’est pour­quoi, au moment même où ceux qui res­tent s’étiolent dans le cré­pus­cule, l’écriture de Cal­vino demeure pour les faire mar­cher sur un peu d’eau vive.

Sous un ciel faus­se­ment magna­nime, il cultive les fleurs de l’Apocalypse. Fidèle à une poé­sie fan­tas­ma­go­rique, il don­ner vie à des héros et des villes impos­sibles. Et qu’importe si l’existence semble pro­mise à l’inéluctable démo­li­tion d’un legs en dis­pa­ri­tion.
Par­tout, il y a des fuites de vie dans des séré­nades à la Schu­bert : celles du soir où s’éprouvent déjà le poids des ombres dans le vol appe­santi des der­niers oiseaux du jour. Quand un cava­lier penche, quelques conduites sont néan­moins ren­for­cées. Mais, avant, l’auteur les a récu­rées en petites phrases par­fois assas­sines eu sein de scènes qui font de l’auteur un Ozu lit­té­raire. Et ce, pour une rai­son majeure : l’Italien ne parle pas la langue de bois avec laquelle tant d’auteurs se chauffent.

jean-paul gavard-perret

Italo Cal­vino, tri­lo­gie : Le baron per­ché, Le vicomte pour­fendu, Mar­co­valdo ou Les sai­sons en ville, nou­velle tra­duc­tion de l’Italien par Marin Rueff, Gal­li­mard, coll. « Du monde entier », Gal­li­mard, 2018.

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Filed under Echos d'Italie / Echi dell'Italia, Poésie, Romans

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