Larry Clark, Rebel Rebel Festival

Rebel without a cause

Larry Clark a été accusé de tous les maux : de la pédo­phi­lie à la vio­lence gra­tuite, du voyeu­risme à la com­pli­cité illi­cite avec les out­laws sca­to­lo­giques (et skate-ologiques) gra­ve­leux. De la délin­quance, il donne un point de vue inédit en fil­mant une jeu­nesse hors des sen­tiers bat­tus. Il y a là des har­ce­leurs de bas étage, des petites frappes. Ces visions créent une sorte de nau­sée volon­taire sou­li­gnée par une caméra au cœur du cercle de l’action, là où la vio­lence reste sou­vent plus sym­bo­lique que réelle.
Tout appa­rem­ment semble inac­cep­table : de l’obscénité ver­bale aux scènes de déflo­rai­sons. Clark cherche à per­cer l’intimité d’autrui selon des plans qui vont ins­pi­rer tout un tra­vail de cinéastes indé­pen­dants. Au road-movie (Ano­ther Day in Para­dise) il pré­fère les inté­rieurs car les lieux clos inter­disent de facto toute éva­sion. On pense bien sûr sur cette optique à Gus van Sant (qui a pro­duit Kids), mais Clark reste plus proche d’une Nan Goldin.

Il se défi­nit comme un infil­tré et s’est intro­duit dans des milieux obs­cènes (jun­kie, etc.) non sans une volonté de pro­vo­ca­tion. Elle prend de plus en plus un point de vue par­ti­cu­lier : celui d’un vieux mon­sieur per­vers face à la pureté juvé­nile. Mais ce regard se reven­dique comme expé­ri­men­ta­teur d’une vio­lence par­ti­cu­lière — elle tient plus du regard lui-même plus que des thèmes. Ce regard, le cinéma mains­tream hol­ly­woo­dien ne pou­vait accep­ter. A l’inverse de Gus Van Sant, il a rejeté le pho­to­graphe et réa­li­sa­teur. Les obses­sions de Clark ne peuvent être accep­tables et inté­grables à une mou­vance géné­ra­li­sable.
Chro­ni­queur de la sous-culture mais refu­sant le kitsch et le cynisme, il sug­gère néan­moins que tout acte et pas­sage à l’acte pos­sèdent des consé­quences. Preuve qu’il est plus moral qu’il n’y paraît. Le maître du “teen-movie” sul­fu­reux est d’ailleurs moins inté­ressé par le corps que par la sexua­lité « consta­table » (cun­ni­lin­gus prin­ci­pa­le­ment). Le réa­li­sa­teur sait tra­vailler l’image de manière à contre­ba­lan­cer le contenu expli­cite du cinéma ama­teur pornographique.

Par exemple, l’aspect clash et cras­seux de Kids se trans­forme peu à peu — certes dans des figures plus ter­ri­fiantes — mais en un retour à un état édé­nique en ses films plus récents. Et si le monde bas­cule dans l’ambiguïté, c’est selon Clark par la pré­sence des adultes — ce que Houel­le­becq condamne chez le réa­li­sa­teur : il lui reproche de res­ter du côté de l’adolescence. Mais existe une quête de la grâce dans l’omniprésence des corps jeunes. Si bien qu’analyser le posi­tion­ne­ment de Clark reste tou­jours pro­blé­ma­tique et échappe aux règles morales trop vite appli­quées de manière méca­nique. D’autant que le plas­ti­cien peut être par­fois roman­tique, com­mu­nau­taire et social dans ses chro­niques urbaines où la fic­tion reste impor­tante.
Tou­te­fois, les classes sociales ne l’intéressent peu. Son typage est celui de l’adolescence et de la fas­ci­na­tion pour le corps mas­cu­lin plus que fémi­nin. Larry Clark est de la sorte un rebelle sans cause mais hon­nête dans ses immer­sions et conni­vences. Le sexe consi­déré comme une libé­ra­tion post-hippie tourne par­fois à la miè­vre­rie. Celui d’un vieux mon­sieur ébloui par tout ce qui n’est plus lui mais qui fait que son cinéma par­fois grippe. D’autant que le réa­li­sa­teur atteint des limites ; celui qui se vou­drait inté­gré en un uni­vers de dis­si­dence y fait de plus en plus figure d’intrus.

jean-paul gavard-perret

Larry Clark, Rebel Rebel Fes­ti­val, du 7 au 13 février 2018, Screen Saint-Denis Cinema

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Filed under cinéma, Erotisme

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