Celui qui vient de la planète Marsac : entretien avec Jules Vipaldo (Le Banquet de plafond)

Jules Vipaldo quoiqu’inconnu est un auteur titré. Parmi de nom­breux hon­neurs il a reçu déjà le prix Marie-Chantal Nobel pour l’œuvre qu’il n’a pas encore écrite… Il pré­fé­re­rait frap­per sur des bam­bous et faire des bam­bou­las mais « nerfs à vif, enfa­riné et migrai­neux comme une bour­geoise mal bla­sée » ou non (a-t-il la poli­tesse de pré­ci­ser), plu­tôt que de faire la tête, il s’entête à mul­ti­plier les irré­vé­rence à la bien­séance tenante. Arach­néen à sa manière, le poète fait sa toile pour régner dans le non­sen­sique avec un débit (de bois­son alcoo­liques) inces­sant. Son seul régime est celui de la langue en folie. Elle fait du gringue en déglin­guant les opus. Les siens piquent le do dièse en sol mineur (ou non) et en bolé­ros de « rats sveltes ». Que deman­der de plus ?

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La crainte de ne pas entendre le réveil son­ner.
Et, presque aussi sou­vent : la crainte d’entendre le réveil sonner.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
“Un vilain petit cau­che­mar” (voir Le Ban­quet de pla­fond).

A quoi avez-vous renoncé ?
A la cra­pette et aux cram­pons.
A la cre­vette et au cré­pon.
A la Croi­sette et aux croi­sillons.
Etc.

D’où venez-vous ?
De la pla­nète Marsac.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
“Calem­bour­geoi­si­veté est merde de tous les fils” (idem).

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Non, vrai­ment, je ne vois pas !…

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres poètes — ques­tion facile me semble-t-il dans votre cas ?
Le nombre d’invitations ?

Com­ment définiriez-vous votre approche du réel ?
Fron­tale (et ça fait mal !) et par rico­chets (car je rebon­dis bien).

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Aucune idée, j’suis un amné­sique de l’image.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Arsène Lapin, gent­le­man de garenne.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Art Tatum (pour l’allitération d’un agité de la touche).
Cécile Tay­lor (pour me réveiller et me dévriller les nerfs).
Ahmad Jamal (pour les “ellipses et laps”).

Oui, je sais, j’suis très piano, car “qui va piano… va piano”.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Facile : “Arsène Lapin, gent­le­man de garenne”.

Quel film vous fait pleu­rer ?
Les ton­tons tringleurs.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un auteur réflé­chi.
Un auteur qui réflé­chit à l’auteur réflé­chi.
Un auteur qui réflé­chit à l’auteur qui réflé­chit à l’auteur réflé­chi.
J’ai donc arrêté de me mirer pour me marrer.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Edgar Tampion.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Un lieu : Plaim­pied.
Une ville : “Olonne”, à cause de J.-C. Bailly.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Liste trop longue et fas­ti­dieuse, mais disons : Patrick Sain­ton, Edgar Tam­pion et Mau­rice Roche
(pour n’en citer que trois pris dans cette liste vrai­ment trop longue et fastidieuse).

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un per­mis de ne pas travailler.

Que défendez-vous ?
Le retrait.
La retraite à trente ans.
Le trou de la sécu (on peut aller plus pro­fond encore, je suis pour).

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Le mal­en­tendu : qui est aussi une bonne défi­ni­tion de la poé­sie (mais ne le dites pas) !

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?
Je pense que je pré­fère sa for­mule inverse : “La réponse est non mais quelle n’était pas la question ?”

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Quelle réponse ai-je oublié etc. Toutes, sans doute. Et je vous prie de ne pas m’en tenir Ricœur !

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 18 jan­vier 2018.

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