Antoine Emaz et Magali Latil ne pouvaient que se rencontrer : la seconde crée des images (ou ce qui en reste) à peine cristallisées sur le support, le premier donne au réel non une consistance mais ce qui s’y dérobe. Bref, chez l’un comme chez l’autre plus rien ne « colle ». L’image et le texte tentent de se ressourcer toujours à l’espace du blanc, à l’immaculé d’une surface « d’impression ». Mais ils ne peuvent en offrir qu’une ponctuation exaspérée dans des espaces non mordancés au moment où quelques lignes se concentrent non pour une expansion du monde mais pour sa rétraction. Les deux créateurs répondent ainsi à ce que Beckett demandait : “la tendance artistique n’est pas expansive mais une contraction”.
Dans le « couple » que Magali et Antoine créent en ce livre, demeurent – là où le vent souffle – non seulement un hymen blanc mais une absence de rapports entre la nature et l’art au sein d’une matière ostensiblement absente. Le poète et la plasticienne ne cherchent plus l’hallucination par leur création mais l’accession à une sorte de littéralité soustractive. Seule cette littéralité permet de toucher àdes lieux inconnus de l’être et du monde. Celui-ci ne manque pas d’air. Trop peut-être.
Mais ce trop est essentiel là où le trait et le langage voudraient dominer la matrice, telles des flèches transperçant le corps d’un martyr devenu invisible. Toutefois, la matrice, telle une mère abusive, cherche à résorber le trait et le « récit » dans un lieu d’avant, proche du chaos de l’origine avant que ne commence dans un jardin provisoirement d’Eden une histoire et que les deux créateurs deviennent les “révizors”.
jean-paul gavard-perret
Antoine Emaz & Magali Latil, Plein air, Editions Unes, Nices, Edition limitée à 33 exemplaires numérotés, 2018.
Oui Antoine Emaz et Magali Latil s’entrecroisent au superlatif . Les graines artistiques se fécondent et offrent une moisson ” Plein air ” de qualité première . Grande cuvée soulignée par JPGP .