Retenir le réel par petits bouts d’attention
Pratiquant un réductionnisme assumé, Colette Decuyper n’a pas besoin de contextualiser ses sujets pour les faire briller. Ne restent que des situations souvent surprenantes et essentielles où l’artiste parle de l’amour. Pas n’importe lequel : le physique. Mais sans obscénité. Ni effroi. Elle retient le réel par petits bouts d’attention et ce, parce que la Liégeoise en fait son café quotidien au sein de sa ville qui devient « Cité Ardente » ou un Roma Amor du nord.
Le tout sans envolée lyrique ou émotion factice. Se crée une expérience originelle où l’œil comme le cœur et bien sûr le corps sont émus par l’impact de ce qu’ils perçoivent. Le texte ramène dans ses filets des vestiges de scènes qui proviennent de là où les êtres sombrent mais auxquels trop souvent le langage poétique tourne le dos préférant les envolées du coeur à la nudité du monde.
La créatrice aère plus qu’elle ne remplit l’espace selon une rythmique particulière. Moins peut-être celle de la vie spirituelle que de la poésie des petits riens, des choses vues ou scénarisées. S’impose un tempo ou va-et-vient d’assauts réitérés où les images éclatent d’un plaisir dont le premier effet est de nous soustraire à le détumescence de son attraction. Elle rôde néanmoins et vibre dans le cœur de la ville comme les notes acérées et agiles de Wes Montgomery.
jean-paul gavard-perret
Colette Decuyper, La photo éclatée, Editions Boumboumtralala, Liège, 2017, 24 p. — 3,00 €.