M.J. Carter, Maharajah

Une enquête pit­to­resque mais risquée 

La Com­pa­gnie bri­tan­nique des Indes orien­tales est née en 1600 quand Éli­sa­beth Ière a octroyé le mono­pole du com­merce dans l’océan Indien à des négo­ciants anglais. Cette assem­blée, en deux siècles, a consti­tué une armée et, délais­sant le négoce, s’est empa­rée de vastes ter­ri­toires.
William Avery et Frank Mac­pher­son, deux offi­ciers subal­ternes, sont en gar­ni­son à Cal­cutta. William se mor­fond, ne sup­porte plus la moi­teur de ce mois de sep­tembre 1837 qui engendre tant de moi­sis­sures, de mala­dies. Il attend depuis neuf mois son affec­ta­tion dans un régi­ment de cava­le­rie au nord du Ben­gale. Il se console un peu en dévo­rant les romans de Xavier Mounts­tuart, dont il est un fervent admi­ra­teur.
Dans un palan­quin, ils sont en route vers Black­town, un quar­tier indi­gène de la ville pour remettre une lettre à un cer­tain Jere­miah Blake. Celui-ci reçoit très mal William et refuse de lui don­ner la réponse atten­due par l’État-major du gou­ver­neur géné­ral. Aussi, quelle n’est pas sa sur­prise quand, convo­qué séance tenante par le chef de cabi­net, de voir Jere­miah Blake déjà dans le bureau. Ils doivent retrou­ver le roman­cier parti en mars avec le pro­jet d’écrire un long poème sur les thugs et dis­paru depuis. Il faut le rat­tra­per car il a intro­duit dans son der­nier roman des détails sca­breux pour la Com­pa­gnie. William n’a pas le choix et Jere­miah s’engage dans cette mis­sion contre son gré…

Avec Maha­ra­jah (The Stan­gler Vine), M.J. Car­ter signe un thril­ler his­to­rique envoû­tant et brillant Elle place son intrigue à une période char­nière de l’histoire de l’Inde et donne un cadre soi­gneu­se­ment étu­dié du début de l’influence vic­to­rienne. Autour de deux per­son­nages qui ne laissent pas indif­fé­rents, elle conçoit une intrigue sub­tile, bien struc­tu­rée, mêlant nombre d’intervenants his­to­riques authen­tiques. Si Xavier Mounts­tuart est ima­gi­naire, il emprunte beau­coup à Phi­lip Mea­dows Tay­lor, un admi­nis­tra­teur qui fit paraître Les Confes­sions d’un thug, où il a repro­duit les scènes qu’il a enten­dues par les chefs thugs eux-mêmes, quand il était atta­ché au bureau d’investigation cri­mi­nelle. Ces thugs, des assas­sins pro­fes­sion­nels ado­ra­teurs de Kali, sont réunis dans une confré­rie active en Inde du XIIIe au XIXe siècle. Selon le Guin­ness des records, ils auraient été res­pon­sables de la mort de deux mil­lions de per­sonnes.
Les héros font un bout de che­min avec William Slee­man qui est entré dans l’Histoire pour sa cam­pagne impla­cable menée contre les thugs, de la fin des années 1820 à la fin des années 1830 avec des moyens qui pré­fi­gu­raient des outils de la police moderne.

M.J. Car­ter fait de déli­cieuses des­crip­tions, de la cour mer­veilleuse d’un Rajah, de la chasse avec des gué­pards, des élé­phants et leurs chaînes d’or, du faste des palais et des récep­tions. Si elle res­ti­tue toute la magie que l’on prête à l’Inde de cette époque et dans ces lieux, elle en décrit l’autre face, une face par­ti­cu­liè­re­ment hor­rible avec la famine endé­mique, les cri­mi­nels écra­sés par le pié­ti­ne­ment d’éléphants, les assas­si­nats…
Avec ses deux héros, un espion sur le retour qui rêve de s’intégrer dans la popu­la­tion, un jeune homme aven­tu­reux, elle com­pose un couple fait de contra­dic­tions, d’oppositions. Cepen­dant, ceux-ci sau­ront effa­cer leurs dif­fé­rences pour res­ter effi­caces, mener à bien leur mis­sion mais sur­tout pour sau­ver leur peau car les traî­trises et la vio­lence ne manquent pas au fil des 440 pages que compte le roman. Celui-ci, d’ailleurs, est le pre­mier tome d’une série de thril­lers  inti­tu­lée Blake et Avery. Actuel­le­ment, la roman­cière a publié deux autres aven­tures, qui res­tent à tra­duire, de ses héros.

Maha­ra­jah se révèle un superbe roman, dépay­sant à sou­hait, riche en infor­ma­tions et anno­ta­tions de toutes natures sur cette époque et en ces lieux. Passionnant !

serge per­raud

M.J. Car­ter, Maha­ra­jah (The Stan­gler Vine), tra­duit de l’anglais par Karine Lale­chère, cherche midi, coll. “Thril­ler”, octobre 2017, 480 p. – 23,00 €.

1 Comment

Filed under Pôle noir / Thriller

One Response to M.J. Carter, Maharajah

  1. ceciloule

    Les deux faces de l’Inde du XIXème sont effec­ti­ve­ment là dans ce roman pal­pi­tant. Les per­son­nages nous entraînent dans le tour­billon de leurs aven­tures, on en apprend beau­coup sur le pays des maha­ra­jahs et sur l’époque, sans que ce soit trop, et on se régale même si le style n’a rien d’extraordinaire. L’histoire rat­trape tout ! (pour en savoir plus sur mon avis :) : https://pamolico.wordpress.com/2019/01/10/aventures-au-pays-des-maharajas-maharaja-m-j-carter/)

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