Salah Stétié, La maison des agapanthes

Metis­sage et dialogue

Né à Bey­routh dans une famille liba­naise, Salah Sté­rié est de langue native arabe. Mais très vite, à la psal­mo­die du Coran, se mêlent deux uni­vers et deux langues. Orienté par son père musul­man, pro­fes­seur d’arabe et poète vers l’apprentissage de la langue fran­çaise, le futur auteur, à 20 ans, ren­contre celui qui devint son pre­mier maître et men­tor : Gabriel Bou­noure. « Toute ma vie se sera pas­sée sous le signe de la foudre dont m’aura gra­tifié Gabriel Bou­noure. La fin de l’âge venant, de l’importance de ce don je me rends compte aujourd’hui plus que jamais. » écri­vait Salah Sté­rié il y a quelques années.
Ce livre enté­rine l’hommage : « Capi­tale de la dou­leur, capi­tale de la mer­veille et de la grâce. Grâce non reli­gieuse, mais cepen­dant divine : d’un seul coup, je com­pre­nais bru­ta­le­ment que le divin habi­tait parmi nous, que les mots nous étaient une demeure » pré­cise l’auteur dans La mai­son des aga­panthes. Sous le pseu­do­nyme de Soli­man, Sté­tié sou­ligne qu’il ne cesse d’exister dans le sillage d’un auteur désor­mais oublié. « Sa fièvre, la conta­gion de sa fièvre est tou­jours là ». Elle a appris à Sté­tié qu’il est pos­sible de jouer toute sa vie sur des mots et sur des mots son des­tin spi­ri­tuel et pluriel.

Au moment où le monde est de plus en plus déchiré au sein même d’un appa­rat mon­dia­lisé, la voix trans­cul­tu­relle du Liba­nais est essen­tielle car elle efface les cli­vages eth­niques et reli­gieux. C’est là l’héritage de Bou­noure et son sens de la paci­fi­ca­tion par l’appel non au com­pro­mis mais à la conscience par le retour aux paroles pre­mières. Sté­tié a donc trouvé en Bou­noure l’accès à l’universel qui n’est pas com­pro­mis­sion ou abdi­ca­tion mais ouver­ture à l’autre. Elle se tra­duit chez lui par le choix du « fran­çais, l’autre langue » tout en ne reniant pas à l’arabité d’origine.
Sté­tié demeure l’exemple par­fait d’un mariage har­mo­nieux entre deux civi­li­sa­tions. Grâce Bou­noure celle d’’origine put se marier avec l’occidentale en dépit de contra­dic­tions inévi­tables. Mais au lieu de culti­ver refus et exclu­sive, le poète, à l’ombre (ou la lumière) de l’ami, cherche encore les points de ren­contre, de conver­gences. Preuve que le métis­sage est l’unique solu­tion : lorsque les socié­tés se ferment sur elles-mêmes elles dis­pa­raissent en une époque où tout s’accélère. La « conta­mi­na­tion » de l’autre reste la garan­tie du renou­vel­le­ment de la vision et de l’apport géné­reux de sang neuf dans l’échange.

jean-paul gavard-perret

Salah Sté­tié,  La mai­son des aga­panthes, Illus­tra­tions de Gérard Titus-Carmel, Fata Mor­gana, Font­froide le haut, 2017, 40 p.

1 Comment

Filed under Poésie

One Response to Salah Stétié, La maison des agapanthes

  1. Francesca

    Je aime­rai tel­le­ment à le connaitre!!! ou à l’avoir connu

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