Jean Ristat, O vous qui dormez dans les étoiles enchaînés

Nostal­gia

La poé­sie de Ristat demeure tou­jours aussi lyrique en son man­teau d’huile et ses varia­tions sur l’alexandrin. L’emphase y joue à fond confor­mé­ment au style cher au poète. D’autant qu’il est ques­tion dans les deux pre­miers temps du livre de chan­ter des moments de déses­pé­rance (« Éloge funèbre de Jean-Louis Mar­ti­noty », « Le pays des ombres »). Mais le charme (déses­pé­rant) est incons­tant, l’épanchement est sou­vent plus curieux que fra­grant. Ristat cisaille, épous­sette, vit sur des acquis qu’il sait néan­moins faire reluire voire enri­chir d’effets.
S’abritant sous des ombres tuté­laires en relais de celles d’Aragon, l’œuvre reste une lige occulte où trône le génie de la méta­phore trai­tée comme une porte menant vers cer­tains éthers poé­tiques. Celui qui jadis avait pour but comme Rim­baud de « chan­ger la vie »  — en envi­sa­geant  l’amour comme seule voie pour tou­cher au divin ou ce qui lui res­semble — fait preuve d’un désen­chan­te­ment de plus en plus mar­qué. La mélan­co­lie règne à la ren­contre du soleil cou­chant : de sa lave jaillissent encore des étincelles.

Les des­sins de Gianni Burat­toni accom­pagnent la sagesse du poète, sculptent ses  méta­phores. Ristat semble avoir oublié que l’Imaginaire poé­tique a changé de cap. Mais, pour lui, renon­cer à l’alexandrin comme à l’image serait renon­cer à la fonc­tion trans­for­ma­trice du poème. Néo­clas­sique à sa manière, il reste néan­moins un roman­tique même si sa révolte s’est chan­gée en nos­tal­gie. Loin des anciens prin­temps enga­gés, l’automne fait masse en un lyrisme dans lequel il n’est pas loin d’estimer que Dieu lui-même va reprendre des cou­leurs. Pas for­cé­ment celui du Verbe pre­mier mais celui que le poète veut incar­ner.
Pour autant, aucun mot n’a jamais atteint une divi­nité. Ristat semble espé­rer néan­moins la résur­rec­tion des siens dans une créa­tion que Pétrus Borel le mal aimé n’aurait pas reniée.

jean-paul gavard-perret

Jean Ristat, Ô vous qui dor­mez dans les étoiles enchaî­nés, Illus­tra­tions de Gianni Burat­toni, Gal­li­mard, coll. Blanche,  2017, 62 p.

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