Philippe Chassaigne, La reine Victoria

The Queen

Victo­ria fut jusqu’au règne d’Elizabeth II la sou­ve­raine qui régna le plus long­temps sur le Royaume-Uni. Elle mou­rut en 1901, il y a plus d’un siècle, mais elle n’en finit pas de nous inté­res­ser, de nous fas­ci­ner, de nous cap­ti­ver. Mais la connait-on vrai­ment ? Les bio­gra­phies ne se comptent plus mais c’est pour­tant avec un très grand plai­sir qu’on lit celle de Phi­lippe Chas­saigne, courte et dense, per­cu­tante et bien écrite, construite autour du rôle ins­ti­tu­tion­nel et poli­tique de la reine-impératrice.
On l’oublie sou­vent, mais la Cou­ronne ne se rési­gna que tar­di­ve­ment à ne pas être un acteur poli­tique. C’était encore le cas avec les ancêtres immé­diats de Vic­to­ria, les rois hano­vriens, dont la vie pri­vée et les rela­tions fami­liales ne res­sem­blaient en rien aux ver­tus dites vic­to­riennes. La jeune reine elle-même ne se réso­lut jamais à la neu­tra­lité que lui impo­saient les usages poli­tiques, cher­cha constam­ment à influen­cer le choix du Pre­mier ministre, ne cacha jamais ses affi­ni­tés avec tel ou tel parti, exprima son exé­cra­tion pour Glad­stone et son enthou­siasme pour Disraeli.

Sur ce point, le prince Albert, dont la mort la brisa psy­cho­lo­gi­que­ment, joua un rôle essen­tiel et bien mis en lumière  dans l’affirmation de l’impartialité royale néces­saire dans une monar­chie par­le­men­taire (sys­tème qu’il étu­dia auprès de son oncle le roi des Belges) et dans le rayon­ne­ment des ver­tus fami­liales qui devaient impré­gner la famille royale jusqu’aux tur­pi­tudes de la géné­ra­tion des princes soixante-huitards. Lais­sée à elle-même, Vic­to­ria renoua avec ses ten­ta­tions. Certes, elle s’enferma loin des regards mais ne délaissa jamais les affaires poli­tiques, sur­tout inter­na­tio­nales. Au risque de com­pro­mettre la monar­chie dans les luttes par­ti­sanes.
Phi­lippe Chas­saigne tord le cou à quelques légendes : la concep­tion adul­té­rine de la reine, ses rela­tions intimes avec le bouillant Écos­sais John Brown, l’influence de son valet hin­dou. Sans être une abo­mi­nable marâtre, Vic­to­ria n’en exerça pas moins une auto­rité fami­liale pesante dont les consé­quences se firent sen­tir dans ses rela­tions avec ses enfants, son aîné le futur Édouard VII au pre­mier chef.

S’il fal­lait rete­nir un élé­ment de son règne, ce serait celui-ci : l’éclat que la reine donna à la Cou­ronne bri­tan­nique dans le monde entier, d’où le « deuil pla­né­taire » dont parle l’auteur avec rai­son quand elle dis­pa­rut. Tous ses suc­ces­seurs, même les plus ternes, en pro­fi­tèrent. Comme si son regard conti­nuait de peser sur le palais de Buckin­gham, quand bien même sa sta­tue lui tour­ne­rait le dos pour regar­der l’avenir.

fre­de­ric le moal 

Phi­lippe Chas­saigne, La reine Vic­to­ria, Gal­li­mard, Folio bio­gra­phie, sep­tembre 2017, 332 p. — 9, 80 €.

Leave a Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>