A ceux qui ignorent tout de l’art de Tal Coat comme à ceux qui ont du mal à appréhender son approche, le livre de Georges Limbour fait figure de travail majeur. Il prouve comment au paysage le créateur préfère des récits de matières. Si la nature devient le partenaire de l’artiste, il la transforme, joue avec ses morceaux et tout le travail consiste à une suite de rapports d’un genre particulier. L’auteur est désormais un oublié de la littérature. Disparu il y a près de 50 ans, il fut pourtant un poète et critique d’art conséquent. Il connaissait bien non seulement le sujet de ce livre mais tout autant Dubuffet, Masson, Giacometti, Nicolas de Staël, (entre autres).
Selon Limbour (et en fidélité à sa démarche critique), l’atelier de Tal Coat sur les collines d’Aix-en-Provence est en rapport avec ses tableaux. Se produisent, par la situation du lieu et son agencement, divers jeux d’ombres et de lumière qui jaillissent dans l’oeuvre. Quant à la précarité de l’atelier, elle n’est pas sans rapport avec le minimalisme d’une œuvre qui retire tout élément non significatif dans la manière de traiter le sujet.
Limbour rappelle d’ailleurs les enjeux majeurs de l’art de Tal Coat. Il s’agit pour lui de peindre « la substance d’objets qui, dans la lumière, perdent leur matérialité ». L’artiste ne cherche donc pas la production d’une œuvre de paysage : il met en exergue uniquement ce que souvent le paysage écrase. Seule compte, comme dans l’art extrême-oriental, la lumière qui vient percuter le minéral. Face aux mouvements du terrain, l’artiste opte pour ceux de la lumière. Elle butte et révèle des aspérités.
Face au « front » du paysage, le peintre impose ses incrustations qui relèvent de la distribution et de la mise en espace. Une telle oeuvre recèle un aspect abstrait au moment où du lieu ne perdure que la quintessence lumineuse dont traits et courbes induisent la sensation dans « l’unité de rythme lumineux ». La vision est donc la plus radicale possible. Tal Coat renonce autant au réalisme qu’au concept. Lorsqu’il avait besoin de ces derniers, le peintre avait les mots pour les dire.
jean-paul gavard-perret
Georges Limbour, Tal Coat, préface de Pierre Brullé, Editions Le Bruit du temps, 2017, 64 p. — 12,00 €.