Hélène Peyravi sait montrer les valeurs chimériques qui s’élèvent des choses et du paysage. Un voyage dans les chemins du passé et le monde prend l’exposition d’un nuage. Mais un nuage bleu : celui qui annule les autres. Entre humilité et élévation, chez elle la nature n’est jamais morte ou vanité ; toute chose jusque là dans la cendre d’un lieu prend une empathie spatiale de re-création par le recours à la mémoire comme à la sensation. Le moindre détail devient un éclat de sorte que chaque couleur est « matérielle ».
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’idée du lendemain. Non ! C’est juste le réveil qui me fait lever le matin. Ou, les jours de chance, le soleil qui perce à travers le volet.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Mes rêves d’enfant me faisaient peur. Le loup, la chambre ensorcelée, la chute. Ils restent comme des souvenirs, qui sont presque devenus doux, avec parfois une petite pointe de nostalgie pour ces peurs enfantines.
A quoi avez-vous renoncé ?
A rien. Je ne saurais pas dire.
D’où venez-vous ?
Fille de communistes.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Rien, c’est-à-dire tout, comme toute fille à papa (rires).
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Un petit plaisir qui n’a l’air de rien : flâner avec l’homme de mes jours et de mes nuits.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
D’être inconnue ! Mais je partage avec beaucoup d’entre eux la persévérance et l’obstination !
Comment définiriez-vous votre approche du mixage en votre travail ?
Le mixage dans mon travail n’est pas un principe. Mais un fait. Il n’y a donc pas de mise en œuvre ni de mode opératoire du mixage. C’est ma pratique artistique, sans hiérarchie entre les supports, les manières, les matières, le multiple ou l’unique.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Celle recherchée au fond du kaléidoscope.
Et votre première lecture ?
Andersen. D’où un certain goût pour les contes.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Celles diffusées par la radio : les voix d’enfants dans Britten, les extraits de comédie musicale du dimanche matin, le piano de Trottignon ou la trompette de Truffaz dans les salles obscures, les voix du baroque et à peu près toutes celles de l’opéra.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je ne relis pas. Par contre, j’ai un petit stock de textes auxquels je reviens toujours, par nécessité et besoin de téter leurs mots y compris dans une langue que je ne connais pas forcément. Au moins ces trois-là : Aïchinger, Tsvetaeva, Pasolini.
Quel film vous fait pleurer ?
C’est plutôt un style de cinéma qui me fait pleurer comme le néo réalisme italien ou certains films d’animation japonais.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Que je suis pressée.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Au père Noël. Chez nous ça ne se faisait pas. Maintenant c’est trop tard !
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Moscou.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Les artistes qui ont de l’influence sur mon travail : Matisse, Kelly, Viallat, Janssens, Mitchell ; les artistes que j’aime et pour leur travail et que j’aimerais rencontrer : Pennone, Nauman, Morellet, Kentridge, Pirosmani.
Les écrivains qui me sont proches et dont les lectures m’engloutissent : Faulker, Roth, Morisson.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
J’ai longtemps voulu mon poids en chocolat. Aujourd’hui, ça ferait lourd !
Que défendez-vous ?
Une certaine idée de la fraternité.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Trop compliqué. Je préfère l’amour flou chanté par Moreau.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Je m’en sens assez proche (rires). J’ai toujours envie de dire oui à tout, dans une sorte d’étourderie positive, d’optimisme primitif.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Celle sur mes fantômes… Du coup, je n’y répondrai pas (sourire)…
entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 21 septembre 2017.
merci